Comme ça s'écrit…


Des combats perdus

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 18 avril, 2013

Nous appelons liberté la capacité renforcée de quelques puissants à restreindre les choix de tous les autres pour parvenir à leurs fins, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons égalité la sensation d’avoir plus que notre voisin pour équilibrer la certitude d’avoir moins que tous les autres, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons fraternité nos diverses façons de trier par cercles successifs ceux qui comptent comme notre prochain de ceux qui n’en font pas partie, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons responsabilité ce que nous exigeons des autres et refusons d’endosser autrement que sous forme de culpabilité, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons honnêteté ou loyauté notre faculté à renoncer à nos principes pour nous soumettre aux puissants dont nous attendons quelque chose en retour, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons vérité la petite part visible qui émerge, malgré nos efforts, de tout ce que nous voulons cacher, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons rêves, ambitions, voire besoins, toutes les avidités dictées par la pression commerciale, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons nécessités toutes les petites abdications quotidiennes que nous ne voulons pas voir pour ne pas les redresser, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons courage la capacité à s’engager dans l’inutile, y forcer le passage contre toutes les préventions de notre être, et nous nous battrons pour cela.
Nous appelons distractions nécessaires tout ce qui nous distrait effectivement des seules importances de la vie, et nous nous battrons pour cela.
Nous nous battrons pour tout cela, au lieu de voir le monde par nos propres yeux et d’en jouir, au lieu d’accepter notre pouvoir de changer, de créer, de vivre ce que nous voulons vivre vraiment.
Nous nous battrons, et bien sûr nous perdrons.

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En ce moment, je lis Sur les épaules de Darwin, de Jean-Claude Ameisen, et Transition, de Iain Banks. J’ai abandonné après quelques pages Les deux messieurs de Bruxelles de Eric-Emmanuel Schmitt et Le journal intime d’un arbre, Didier Van Cauwelaert.