Comme ça s'écrit…


Dépoussiérons…

Posted in Textes par Laurent Gidon sur 6 février, 2009
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Tenez, encore une vieillerie qui prenait la poussière dans un de mes tirroirs. Un texte écrit pour un jeu, avec pour contraintes de ne pas dépasser 3 000 et utiliser comme phrase initiale : « L’odeur de la sciure me ramena à un souvenir de ma merveilleuse enfance. »

Une vie de bois

L’odeur de la sciure me ramena à un souvenir de ma merveilleuse enfance. Cette main calleuse sur le rabot, cet œil qui ajustait le geste par-dessus les petites lunettes demi-lune, ces pommettes retroussées par un sourire de concentration : c’était mon père.

Il m’avait fait tel que je suis. Mais j’avais dû partir pour m’en apercevoir. Il faut toujours partir un peu pour devenir. Et j’avais cru tout oublier, de lui, de la maison, de notre vie.
Juste une odeur, et cela me revient.

L’atelier, que j’appelais parfois le pays des jouets, alors qu’il n’était que le lieu d’un dur labeur nécessaire à notre survie. Une salle de travail, rien de plus, mais où naissaient des miracles. Je me revois, traînant parmi les copeaux, avec ce stupide bonnet mal tricoté qui me faisait comme une longue paire d’oreilles. Je le touche presque, ce bois longuement travaillé par les mains de mon père, et qui semblait vivre ensuite d’une vie propre, sous les doigts du marionnettiste en visite. Il me faisait un peu peur, mais je l’aurais suivi partout. Pour voir la fin du spectacle.

La cheminée dans la cuisine. Un âtre vaste et sombre comme une gueule ouverte. Le feu me semblait devoir la faire éternuer.

Et surtout, cette odeur de sciure m’en rappelle une autre. Une absence d’odeur, plutôt. Celle de ma mère peut-être. Un parfum bleu qui m’avait tant manqué et que je suis parti chercher de par le monde. Je n’ai jamais pu dire « Maman ». Je n’ai jamais eu personne à qui dire  « Maman ».

Oui, tout revient dans cette odeur boisée, mais le plus lourd, c’est ce qui ne s’y trouve pas. Le temps a été long avant que j’atteigne les larmes pour pleurer cela. Ce manque. Mais on n’est pas de bois. Voici que cette odeur me libère enfin et que je sens couler tout ce que j’avais cru être mon malheur. Alors que ce n’était que du bonheur brisé, à reconstruire ailleurs.

« Merci Papa. » J’y arrive enfin, dans ce parfum de pin bien travaillé. Merci pour tout, pour moi. Oui, c’était merveilleux de vivre. Et ça le sera encore, même sans toi.

― Hé, Chéri… Hé ho, Pinocchio chéri, tu viens ? Elle est vendue maintenant, la maison. Les enfants attendent… Tu prends ce que tu veux et on s’en va.

Une poignée de sciure, ça ira. A répandre comme des cendres paternelles sur l’avenir qui vient.

Voilà. Toute tentative de considérer ce texte comme une allusion voilée à l’allocution présidentielle d’hier soir sera sévèrement réprimée.

2 Réponses to 'Dépoussiérons…'

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  1. Yap said,

    Je ne vois pas le rapport. Pinocchio est un petit bonhomme qui raconte des mensonges.

  2. Don Lorenjy said,

    Tu seras sévèrement réprimé.


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