Comme ça s'écrit…


Temps, espace et dimensions

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 28 août, 2017
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Photo FMAC-Paris

Il m’arrive parfois de rêver de choses à faire ou d’objectifs à atteindre dont les critères me semblent inexprimables dans le langage éveillé. J’en garde la trace, le souvenir d’impressions floues mais persistantes, sans pouvoir ni les raconter ni me les expliquer : elles m’échappent totalement. C’est à la fois frustrant et stimulant, comme s’il y avait quelque chose à découvrir là derrière.
Est-ce que, dans la libération inconsciente du rêve, nous parvenons à vivre des expériences d’une autre dimension – quatrième, cinquième – qu’il nous est impossible de ressentir ou même de conceptualiser lorsque nous réintégrons notre conscience limitée à trois dimensions?
J’y repense après une discussion autour du film Interstellar : le temps n’a-t-il qu’une dimension ?
Pour nous, oui, et une seule direction.
Je ne parviens pas à imaginer ce que serait une autre dimension du temps. Même si elle existe, elle m’échappe. Mais si je tente l’analogie avec l’espace, c’est plus facile.
En visualisant le temps comme une droite horizontale, je peux imaginer de lui adjoindre une autre dimension, disons verticale pour faciliter la visualisation : le temps devient alors un plan où mon déplacement apparent dans un seul sens peut prendre tout un éventail de directions différentes.
Le temps – MON temps – serait alors ce que je perçois d’une surface incluse dans ce plan et coupée par mon segment de droite personnel.
Mais mon déplacement dans le temps, vers l’unique direction du futur, qu’est-ce ?
Peut-être le déplacement de ma surface de temps – une sorte de triangle pointe en bas dont l’un des côtés appartient à l’axe vertical, l’autre étant mon segment de temps – le long d’un axe vertical.
Qu’est-ce qui fait se déplacer ma surface temporelle ? Pourquoi pas une force gravitationnelle qui l’attire vers le bas ?
De mon point de vue limité je ne me déplace que sur une dimension de cette surface dont la nature même m’échappe et dont je ne vois que l’apparente évolution sur ma dimension temps personnelle.
Il y aurait une autre forme du temps – l’ensemble de cette surface – accessible ou conceptualisable uniquement par un être capable de percevoir les deux dimensions requises. Il pourrait voir alors tout mon temps, avec ses contractions, ses interruptions (sommeil, anesthésie générale, coma), ses extensions, ses multiples chemins possible, son début et sa fin.
Je profite de cette analogie (plan + gravité) pour me demander si, par hasard, les contractions du temps liées à la vitesse ou à la force gravitationnelle, telles que définies par la relativité, ne seraient pas des modifications du temps 2D (changement dans la gravitation) effectives sur notre temps 1D.
Un physicien me dirait probablement que ça n’a rien à voir, que le temps n’est qu’un paramètre, mais en terme d’imagination, c’est fécond. Une façon de faire la paix avec ce qui nous échappe.
La forme de mon temps est-elle déjà entièrement dessinée ?
M’est-il possible (ou à quelqu’un d’autre) d’intervenir sur cette deuxième dimension dont l’idée même me fuit ?
Et le fait de ne pas pouvoir trancher est-il source de terreur ou d’espoir ?
Nombre de mes contemporains se projettent dans une cinquième dimension pour y trouver les moyens d’action ésotériques sur le monde où nous vivons. Ils disent changer d’état de conscience ou accroître leur taux vibratoire pour accéder à ces plans différents liés au nôtre. Ils travaillent beaucoup afin de sauver l’ici et maintenant à partir de cet au-delà.
Il suffirait pourtant de tellement peu pour que, le long de nos trois petites dimensions, nous parvenions à nous entendre.

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Lorsque je ne me baladais pas dans d’autres dimension, j’ai lu avec respect Le Silence même n’est plus à toi, de Asli Erdoğan.

Que faut-il écrire ? Que peut bien faire l’écriture (la tienne), que peut-elle bien mettre en « mots », et au nom de quel monde peut-elle transformer celui-ci ? Jusqu’où peut-elle se baser sur la réalité ?
[…] Si loin qu’elle puisse s’aventurer dans le pays des morts, l’écriture n’en ramènera jamais un seul.

Asli Erdoğan, Le Silence même n’est plus à toi, page 109