Comme ça s'écrit…


Papa Zemmour et Maman Taubira

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 27 décembre, 2021
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Être en âge de voter, c’est – normalement – avoir suffisamment avancé sur le chemin de la vie pour savoir, en adulte, ce que l’on veut vraiment, ce qui est bon pour soi.
En fait, si l’on creuse un petit peu on s’aperçoit vite que les discours électoraux et ce que chacun projette sur les différents candidats relève de notre enfant intérieur.
Un enfant apeuré qui cherche son papa ou sa maman afin de voter pour ce qui lui manque le plus.

Se préparer à voter Zemmour, c’est probablement être en manque de papa, vouloir le retour d’un père fort qui restaurera l’ordre, fixera les limites de la tribu et nous désignera l’ennemi tout en nous donnant des raisons – et surtout le courage – de partir au combat. Il représente la mémoire des hauts faits et des grands hommes, mémoire tronquée ou réécrite s’il le faut pour que le passé soit bien une fière civilisation et non une succession de magouilles et d’escarmouches aussi sanguines que sanglantes. Il raconte une histoire qui glorifie la force, justifie son usage, et nous absout par avance de tous nos abus. Même malingre, Papa aspire à la gloire virile.

Vouloir voter Taubira, c’est sans doute souhaiter retrouver une maman qui rassemblera la famille, accueillera tous ceux qui veulent en faire partie, adoucira le cocon, nous dira avec une caresse que tout ira bien, et saura taper sur les doigts de celui qui s’écarte des règles et des traditions familiales. Elle représente une mémoire des jolies choses, un espoir en un avenir qui sera moins dur dedans que dehors, un port dans la tempête, un point de repli vers lequel revenir en cas d’échec après avoir tenté de vivre sa propre vie. Elle nous raconte aussi une histoire partielle du réel en nous incitant à nous reposer sur elle plutôt que sur nous-mêmes.

Il y a bien sûr d’autres candidats et je vous fais confiance pour attribuer à chacun sa part maternelle ou paternelle dans la campagne. De toute façon, l’élue ou l’élu fera ce qu’elle ou ce qu’il pourra, et surtout voudra, sans plus s’occuper de nos manques.
Ce qui compte maintenant, il me semble, c’est de choisir son futur papa ou sa future maman en conscience, en sachant que c’est l’enfant en nous qui parle. Et donc sans se bercer de justifications rationnelles ou d’arguments techniques ni croire que l’élue ou l’élu prendra les choses en main à notre place d’adulte.
Bref, nourrir l’enfant qui pleure en soi, l’écouter, le laisser parler, le rassurer…
Mais le laisser seul guider nos vies, vraiment ?

En attendant l’année prochaine, je lis Betty, de Tiffany McDaniel, traduit par François Happe