Comme ça s'écrit…


Question de culture

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 27 juillet, 2016
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Culture chant

Tous les spécialistes l’affirment : même si le système policier et judiciaire permet de déjouer de nombreuses tentatives d’attentat il est impossible de surveiller tous les lieux, toutes les personnes : des candidats au suicide symbolique par meurtre de masse parviendront toujours à perpétrer leur acte terroriste.
La seule solution consiste non à décourager ces candidats, mais à les détourner de ce projet en leur rendant l’envie de vivre parmi nous au lieu de mourir en nous détruisant.
Notre culture de vie contre une culture de mort. Cela peut marcher. Cela doit !
Mais quelle est notre culture, qu’avons-nous envie de partager ?
Est-ce la culture de la course à la consommation, au supermarché, à l’automobile, au smartphone dernier cri, la culture de la star de foot, des fringues et de la frime top swag, du succès facile de la téléréalité ? Cette culture laisse sur le bord du chemin trop de gens qui, au lieu d’espérer en faire partie à force d’efforts et de réussite, ne rêvent plus que de la détruire.
Ou alors, est-ce la culture de la musique, de la danse, du théâtre, de la peinture, de la littérature, de la gastronomie ?
Oui, bien sûr dirons-nous, c’est ça notre culture, regardez tous ces musées, ces expositions, ces concerts, ces théâtres, ces festivals, ces cinémas, ces restaurants…
Eh bien non. Tout cela, c’est du spectacle, de la consommation. Tout cela laisse sur le bord du chemin ceux qui n’ont pas les moyens d’y prendre part, ou d’y prendre plaisir.
Une culture, c’est ce qu’on fait ensemble. C’est faire de la musique, faire du théâtre, faire de la littérature ou de la peinture, faire du sport ou de la cuisine, ensemble. Pas pour viser le succès ou gagner plein de brouzouf, mais juste pour le plaisir de pratiquer. Ensemble.
En 2016, le Ministère de la Culture ne dépensait que 360 millions d’euros à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture, soit 3 % des 9,4 milliards de son budget.
Réorienter ce budget vers une pratique de la culture par tous me semble être LA priorité nationale. Maintenant. Pas en 2017, pas même à la rentrée de septembre, mais dès aujourd’hui. Cet été, les passages à l’acte se multiplient. Question de saison, ou question de culture et d’abandon ?
Il y faudra des policiers au début, mais si nous pouvions aller là où des Français ne partagent pas notre culture, avec des profs de musique, de dessin, de théâtre, de peinture, de cuisine, d’écriture… et y aller maintenant, combien de candidats à l’attentat retiendrions-nous ?
J’anime des ateliers d’écriture et je donne mon numéro de téléphone à tout fonctionnaire de la culture qui passerait par-là et déciderait que, oui, on peut et on doit.

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Et pendant ce temps, je me cultive avec Check-Point de Jean-Christophe Rufin.

Ce qui s’écrit

Posted in Textes par Laurent Gidon sur 1 juillet, 2016
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Imaginons un peu que vous ayez écrit quelques romans et nouvelles publiés de façon professionnelle, c’est-à-dire contre rétribution et disponibles en librairie.
Imaginons encore que vous ayez écrit d’autres romans (8 en tout, dans tous les genres, SF, Fantasy, Polar, aventures pour ados, autofiction, littérature sans case…) et beaucoup plus de nouvelles, mais que depuis cinq ans, rien de marquant ne soit publié.
Aucun roman, surtout. L’un d’entre eux a pourtant reçu une bourse de la Région, ce qui vous a aidé à beurrer les épinards mais ne l’a pas empêché d’être refusé par tous les éditeurs auxquels vous l’avez présenté.
Imaginons toujours que vous continuiez tout de même à écrire, non par fierté désespérée, mais parce que c’est vous, votre nature, votre karma même, si vous voulez.
Vous écririez quoi ? Et dans quel but ?
Pendant un temps, vous avez couru plusieurs lièvres, vous disant que dès qu’un livre serait accepté par un éditeur, vous en termineriez un autre du même genre, roman jeunesse sportif par exemple, ou science-fiction non conflictuelle, voire roman noir, pour surfer sur cette onde positive. Les lettres de refus s’accumulant et les années passant, vous êtes contraint à changer de stratégie.
Voire, à abandonner toute stratégie.
À n’écrire que ce qui pousse le plus fort en vous, sans autre objectif que de réaliser (rendre réel) ce qui n’est encore que bouillonnement de neurones.
Depuis quelques semaines (mois ?) ce qui bouillonne a pris la forme d’un roman choral.
Le titre actuel : La Bousculante
Au départ, une réunion qui se passe mal. Quels échos l’onde de choc aura-t-elle dans la vie des différents participants ?
Le récit se développe en une double spirale excentrique autour du moment déclencheur. Comment en est-on arrivé là. Comment chacun réagit après, dans son intimité la plus nue.
Il y a des cris, des pleurs, des coups, des ricanements, du sexe consolateur ou accablant, des tas de choses qui ne peuvent se passer qu’aujourd’hui, dans la société et les rapports perturbés que nous construisons et détruisons avec une constance confondante.
Il y a un style, aussi. Une façon d’entrechoquer actes, paroles et pensées, points de vue et omniscience de l’auteur (c’est moi).
Cela commence ainsi :

Quelques mots et le silence, c’est tout. Cela aura suffi. « Non, ce qu’il nous faut c’est juste changer d’agence. » Celui qui les prononce, Pierre-Alexandre de Rincy, en a l’autorité : pdg du SITeC, la régie mixte qui gère les transports en commun sur la communauté de commune. Changer d’agence ! Il a le droit de le dire, oui. Et pour l’écouter – avec attention, croyez-moi – il y a d’un côté Vincent Néran, dit Vince (qu’il faut prononcer Vinnnns pour lui plaire), patron de l’agence Com’Unique One, Thomas Béranger, le directeur de création de l’agence, et Camille Larue, une rédactrice freelance qui renforce l’équipe créative. De l’autre côté, seulement Charlène Ringot, directrice de la communication du SITeC, qui n’en croit pas ses oreilles et tente de n’en rien montrer pour avoir l’air de toujours gérer, alors qu’en fait…
Changer d’agence. Changer… d’agence !
La tête de Vince lorsqu’il comprend que Rincy ne plaisante pas. La tête de Charlène aussi, en fait, ça lui échappe. Elle n’a pas été prévenue, elle se croit aux commandes, encore. La tête des deux autres, baissée, parce qu’ils voudraient que Vince prenne les choses en main et redresse la situation, c’est lui le patron après tout. Mais Vincent Néran n’est que directeur de l’agence, placé là seulement pour transmettre les décisions, gérer le quotidien et encaisser les chocs. Il n’en peut plus, ce matin. Ce n’est pas qu’une question professionnelle, sa fatigue. Un peu, tout de même. Il pouvait s’attendre à un coup de semonce, juste quelques reproches et la mise en place d’une nouvelle approche stratégique, mais pas cette exécution..
Son problème, c’est ce qu’il croit savoir. Et il croit savoir que le budget des transports publics de l’agglomération est chasse gardée pour Com’Unique. Des accords qui le dépassent, mais sur la permanence desquels il compte. C’est politique. D’où cette impression de sol qui se dérobe, pulvérisé par la remarque de Rincy. Vince voudrait faire quelque chose, il voudrait même en avoir le pouvoir. S’il était honnête avec lui-même,  il reconnaîtrait qu’il ne peut rien parce qu’il ne lui vient même pas la possibilité d’une idée. Il est blanc, vide, sonné. Comme un athée de naissance qui rencontre Dieu : trop dur à gérer.

Si quelqu’un veut s’en faire une idée plus profonde, j’envoie un extrait sur demande.