Comme ça s'écrit…


Moi, président…

Posted in Vittérature par Laurent Gidon sur 7 avril, 2021
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Moi, en premier de cordée


Il se trouve – je l’ai bien cherché – que je suis président d’une association. Un club d’escalade.
Nous comptons 180 membres, un comité de 10 volontaires et un bureau avec secrétaire, trésorier, vice-président, et donc moi-même. Ça ne fait pas une nation, ni un pays, je le reconnais.
Mais il y a déjà une certaine responsabilité.
Surtout qu’en escalade chacun met sa vie en jeu en la remettant dans les mains d’un autre qui l’assure.

Je vous en parle, non parce que ce poste de président m’ait appris grand-chose sur le pouvoir, mais parce qu’il m’a confirmé quelques idées sur son usage.
Déjà, j’ai pris le job parce que personne d’autre n’en voulait : ce pouvoir-là est une charge plus qu’une satisfaction en soi.
Ensuite, je l’ai pris avec assurance, mais avec une certaine humilité : je n’ai pas de compétence particulière en la matière, je ne sais ni organiser l’action ni motiver les personnes. Pas mieux que quiconque, en tout cas.
Mais il fallait que quelqu’un le fasse, il y avait des trucs à organiser et des gens à motiver.

C’est dingue ce que la position de président permet.

On peut inciter des gens à réfléchir sur des trucs – qui les concernent ou non – auxquels ils n’auraient pas forcément pensé par eux-mêmes, et surtout pour lesquels ils ne se sentaient pas de légitimité.
Lorsque je demande à un membre du club de réfléchir à quelque chose, elle ou il se sent légitime et réfléchit intelligemment.
Il suffit ensuite de bien l’écouter pour valoriser cette légitimité toute neuve.

On peut aussi (et même, on doit) inciter des gens à se mettre d’accord – donc à nourrir une opinion et parfois à en changer – sur des sujets dont ils se fichaient peut-être avant, mais voilà, je le leur ai demandé, alors ils s’y mettent et en parlent.

Et surtout, on peut soi-même – oui, Moi président – démarrer avec des idées bien réfléchies et bien tranchées sur un sujet, une façon de faire, une ambition, et en changer en écoutant les réactions des autres.
C’est dingue ce que l’on peut apprendre, en présidant. Sur les sujets évoqués, et surtout sur soi-même.
C’est dingue cette sensation d’avoir raison et de tout savoir… qui s’évapore au contact de la raison et du savoir des autres.
C’est dingue cette capacité qu’on se découvre à changer d’avis en se meulant aux avis des autres, pour peu qu’on ait la volonté de faire du mieux possible, et pas simplement de s’imposer.

Bien sûr, pour que ça marche il faut bien choisir les autres en question.
Pas des béni-oui-oui, ni même des gens très droits mais qui sont déjà d’accord avec soi.
Non, il vaut mieux intégrer dans l’équipe des gens qu’on connaît pour leur capacité à traquer la petite bête, à ne pas voir les choses comme soi, même à compliquer le truc pour rien, parfois.
Il faut s’offrir les services de gens qu’on trouverait pénibles, justement parce qu’ils poussent à creuser les questions et à les poser autrement.
Il vaut toujours mieux bien réfléchir avec des pénibles pas d’accord plutôt que se prendre leur révolution dans la figure plus tard.

Moi président, souvent je m’énerve en silence, je remballe mes idées géniales, je me tais au lieu de chercher à faire plier l’adversaire (avant de m’apercevoir qu’il n’y a pas d’adversaire, bien sûr).
Moi, je dois être un mauvais président.
Merci donc à tout le club qui m’aide à me hisser à la hauteur.


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Tout en assumant ma charge présidentielle je lis L’Intelligence Artificielle et les chimpanzés du futur, de Pascal Picq, en préparation d’un futur projet d’écriture.