Comme ça s'écrit…


Dans le texte

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 24 janvier, 2020

En rentrant de la capitale israélienne, le Président de la République Française a eu quelques mots que nous a rapportés le journal Le Monde. Je ne sais s’il s’agit d’un verbatim, je vous les livre donc tels qu’ils sont retranscrits par le journaliste :

La dictature c’est un régime où une personne ou un clan décide des lois. Une dictature c’est un régime où l’on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France c’est ça, essayez la dictature et vous verrez ! La dictature, elle justifie la haine. La dictature, elle justifie la violence pour en sortir. Mais il y a en démocratie un principe fondamental : le respect de l’autre, l’interdiction de la violence, la haine à combattre. 

Que voyons-nous en France.
Un clan de politiciens inféodés aux détenteurs de richesses, qui décident de lois favorisant ces même détenteurs de richesses.
Citons simplement les lois sur l’impôt (fin de l’ISF), sur la production de richesses (loi Travail), sur la solidarité intergénérationnelle (réforme des retraites orientée vers un système de capitalisation au profit des gestionnaires de richesses).
Mais aussi l’absence de lois fortes sur l’environnement, la répartition des produits du travail ou le renforcement des services publiques, lois qui freineraient la production éperdue de richesses avec toujours l’argument de la rentabilité, de la compétition internationale ou du nécessaire développement de solutions alternatives avant toute évolution, même vitale : l’essentiel est de capter le plus de richesses possible ici et maintenant.

Des dirigeants qui ne changent pas sur le fond, même si les personnes se succèdent, chaque élection étant présentée au final comme une fausse alternative renforcée par le concert médiatique : moi ou le chaos de l’extrême droite.

Des haines justifiées ? Celle du gréviste qui « prend en otage les citoyens qui veulent travailler », et donc freine la production de richesses. Celle du profiteur qui, non content d’être pauvre ou usé, a l’audace de percevoir ses droits aux miettes de la richesse. Celle du migrant, un sous-être que l’on peut rejeter, pourchasser, violenter, enfermer, déporter, ceux qui l’aident pouvant même encourir eux-aussi les foudres de la justice.

Quelles violences sont justifiées en France ? Celles des forces gouvernementales contre ceux qui osent briser des vitrines ou des statues, voire des portes de ministère, ou simplement passent au mauvais endroit au mauvais moment. Contre aussi ceux qui ont l’outrecuidance de vouloir rendre compte de ces violences. On s’interdira même de parler de violences policières devant le spectacle d’acharnement à la matraque, au gaz, à la grenade ou à l’éborgneuse portative. Circulez, rien à voir !
Ce qui justifie ces violences ? L’atteinte à la propriété, premier sacrement de la production de richesse.
Mais nous ne sommes pas en dictature : ces violences n’ont pas pour but de s’en sortir. Ou alors, une dictature de la production de richesse, totalitarisme qui règle tous les détails de nos vies et ne nous laisse que le choix de nos distractions.
J’ai le sentiment que notre démocratie ne s’en sortira pas, justement.

Heureusement qu’un principe fondamental dirige notre démocratie.
Selon un tel principe, quel est cet « autre » que l’on doit respecter en démocratie française ? Le propriétaire, le dirigeant, l’autorité, la force légitimée par l’autorité.
Quelle violence interdire ? Celle du démuni, du floué.
Quelle haine combattre ? Eh bien là, on ne sait pas. Peut-être la tâche est-elle trop vaste, les feux trop attisés, l’écurie trop sale.

Selon le Président encore : tous ceux qui aujourd’hui dans notre démocratie, se taisent sur ce sujet, sont les complices, aujourd’hui et pour demain, de l’affaiblissement de notre démocratie et de notre République.

Voilà. Par ces quelques mots bien naïfs j’ai le sentiment de me dégager de cette vilaine et honteuse complicité, aujourd’hui et pour demain. Grâce à toi, lecteur démocratique, la République en ressort plus forte.
Merci M. Le Président. À vous, maintenant.
Car vous ajoutez :

dans une démocratie, on a un devoir de respect à l’égard de ceux qui représentent et votent cette loi, parce que précisément, on a le pouvoir de les révoquer. On a l’interdiction de la haine, parce qu’on a le pouvoir de les changer !

Avec tout le respect que je vous dois, sans haine (sans arme ni violence, d’ailleurs) j’aimerais bien vous voir changer. Ai-je ce pouvoir ? Merci de me rassurer.

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Pendant que notre bon président prenait l’avion, je me contentais de lire Jerusalem, d’Alan Moore, traduit par l’impressionnant Claro.

La Bonne Année

Posted in Admiration,Vittérature par Laurent Gidon sur 17 janvier, 2020

J’éprouve une forme de plaisir primal à croiser de gros animaux sauvages près de là où je vis. Signe peut-être que nous n’avons pas tout salopé et que des bestioles imposantes tolèrent notre impact sur leur environnement.

Photo Mickael26

Ce matin de janvier frisquet nous prenons la route qui trace à travers la montagne au-dessus de la maison. Nous allons grimper. Au sortir d’un bois je jette un coup d’œil au pré sur la gauche et alerte tout de suite mon fils à mes côtés : « Là, regarde, deux biches. » Elles broutent à quarante ou cinquante mètres de notre passage bruyant et fumeux.

Un kilomètre plus loin c’est toute une harde de chamois qui a quitté la forêt et arpente le pré dans le brouillard de l’aube. Je ralentis, bercé par cette magie matinale. L’occasion pour mon fils de me rappeler ce chamois solitaire qui avait traversé en longues foulées, juste devant nous, la piste de ski de Fernuy à la Clusaz, l’hiver dernier.
Notre terrain de jeu est aussi son espace vital. Notre présence lui a fait un peu peur, il n’a pas traîné pour disparaître dans le bois des Encarnes. C’était la première fois que j’en croisais un ici, étant plus habitué à les voir sur les rochers ensoleillés qui dominent le chemin de retour en bas de la combe de Borderan.

Ce soir encore, je tourne la tête vers le pré de gauche en rentrant derrière la montagne qui me cache le soleil couchant, l’œil attiré par une envie. Je fais bien : un grand héron cendré me suit du bec.

Au moment où les hommes entre eux semblent ne se vouloir que du mal, la présence de ces grands animaux à valeur de double message pour moi. D’une part, s’ils peuvent voisiner avec nous c’est que nous ne sommes pas si néfastes. D’autre part, ils reprennent possession du territoire d’où nos excès les avaient chassés, peut-être dans l’attente de notre prochaine disparition.

Cette ambivalence du présent, toujours prêt à basculer d’un côté ou de l’autre me semble être l’annonce contenue dans la forme numérale de l’année. 2020, l’année d’équilibre, 20 d’un côté, 20 de l’autre, et nous sur le moyeu, à nous demander dans quel sens faire pencher la balance.

C’est un peu l’idée qui traverse la petite nouvelle que j’ai écrite, comme chaque année, pour saluer l’an nouveau : 2020 est entre nos mains.

Alors, qu’elle vous soit douce !

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C’est justement Hommes entre eux de Jean-Paul Dubois que je lisais lors de ces rencontres animales.

La République en pièces (et en billets)

Posted in Admiration par Laurent Gidon sur 9 janvier, 2020

Je me suis fait flasher hier par un radar automatique. J’étais seul sur une voie rapide à l’entrée d’un tunnel, à quelques kilomètres au-dessus des 70 réglementaires. Coïncidence ? Ce matin est dévoilée une enquête du journal en ligne d’investigation Reflets info sur la machine à cash que représente le marché des radars automatiques.

Radar Machine à cash

Radar – La Machine à cash – CC

Vous pouvez la voir ici. C’est énervant, mais salutaire. Partagez-la, ça soulage.

On y voit confirmé ce que l’on sait déjà sur la façon bien rodée dont la République est mise en pièces et en billets dans la poche des petits malins qui nous gouvernent et de leurs amis, les deux casquettes étant interchangeables (voir le pantouflage de Thierry Breton chez Atos, entreprise ayant été choisie pour le marché global de la mise en place des radars et du traitement des PV électronique).

Le principe est toujours le même.
D’abord, on impose aux Français de coûteuses innovations pour leur bien.
Répondez : vous préférez que des caméras surveillent tous vos faits et gestes, ou que des malfrats se sentent libres de violer votre fille ou dépouiller votre grand-mère dans un coin sombre ?
Répondez : vous préférez qu’un radar vous suivent à la trace sur la route ou que toute votre famille soit mise en charpie par un chauffard ivre sans permis et probablement sans papiers ?

Ensuite, que vous soyez convaincu ou pas, on passe en force. Il faut voir Nicolas Sarkozy marteler, face à l’Assemblée Nationale, les arguments en faveur d’une mise en place urgente des radars automatiques : des milliers de vie à sauver, grande cause nationale, pas d’obstruction !
L’urgence de sauver des vies : incontestable.

Cette urgence permettra dès 2003 de mettre en place des marchés publics favorisant certaines entreprises, aucune autre n’étant en capacité de répondre dans les temps. Depuis, de favoritisme en surfacturations, des millions ont été siphonnés.
Que fait la commission européenne ? Rien, puisqu’elle n’agit qu’en faveur de la mise en concurrence des services publics pour les brader au privé. Dans le cas des radars français le droit de la concurrence est bafoué au bénéfice du privé, donc motus !
Je vous laisse voir la vidéo pour comprendre comment cet argent est extrait de nos poches à tous.

Un scandale ? Sans doute. Mais notre indignation n’y changera rien. Elle n’est que temporaire.
La multiplication des scandales tient lieu de couverture.
Un journaliste court un lièvre, le met au jour – scandale ! – tout le monde en parle un moment, interroge les politiques mis en cause, lesquels gagnent du temps en niant toute irrégularité dans leurs actes ou décisions… le temps qu’un nouveau scandale soit mis au jour, un autre lièvre pris dans les phares, un autre engouement médiatique.
Ouf, les politiques mis en cause respirent.
Certes, ils sont probablement cités dans le nouveau scandale, mais ils sauront de nouveau temporiser jusqu’au prochain lièvre. Certains cumulards risquent de finir par se faire prendre – un procès récent le démontre – mais tant qu’ils ne sont pas en prison et que leurs électeurs leur conservent toute leur confiance, la machine à cash tourne.

Peut-on vraiment leur reprocher ce mode de prédation ? Non, bien sûr puisque ce système respecte les trois valeurs clés de la République Française : liberté, égalité, fraternité.
Liberté du renard pour se servir dans le poulailler républicain.
Égalité des gens normaux devant la force gouvernementale.
Fraternité des dominants pour se partager le poulailler.
Des milliers de vies sauvées, des millions d’euros dans la poche des renards, l’opération est rentable.

Y a-t-il une solution ? Pourrait-on sauver des vies sans que les prédateurs se gavent ?
Sans doute, mais elle ne passe pas par le massacre des radars automatiques, action qui ne fait que coûter de l’argent public. Les radars sont remplacés à grands frais, les prédateurs se frottent les mains.

Faut-il s’attaquer aux entreprises prédatrices ou aux politiciens impliqués ?
Sans doute, mais comment ? Dans un état de droit, la justice est la seule voie possible.
Une action collective de 65 millions de Français ? Allons donc !
Non. Mais soutenir ceux qui déposent plainte en notre nom, comme Anticor, oui. Faites-le !

Et relayez la vidéo avec le mot clé #Enqueteradar

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Pour me rassurer sur l’état de la France en vérifiant que c’est pire ailleurs, je lis J’ai couru vers le Nil, du grand et courageux Alaa El Aswany traduit par Gilles GAUTHIER.