Comme ça s'écrit…


L’offensive qui passe

Posted in Non classé,Réflexitude par Laurent Gidon sur 23 Mai, 2016
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Le ballet des incompréhensions et des manipulations se danse à deux.
Contre une loi, on manifeste.
Contre une manifestation, on envoie la police.
On s’accuse mutuellement, on y passe la nuit debout, les médias en parlent, tout le monde s’émeut.
Le patronat s’émeut de l’inconséquence du peuple assisté (c’est beau, un patronat ému).
Le peuple s’émeut qu’on lui tape dessus quand il est dans la rue (ça saigne, un peuple ému).
La police s’émeut qu’on l’accuse de violence, alors que justement les violents c’est les autres (c’est bleu, un policier ému).
Le gouvernement ne s’émeut pas, on ne gouverne pas à l’émotion, nous, monsieur, on est dans l’efficace, le difficile mais nécessaire réformisme, vous ne pouvez pas comprendre, on va faire de la pédagogie au tonfa et passer au 49-3 (c’est beau un… en fait non).

Photo publié sur le site de Télérama sans mention de droits

Photo publié sur le site de Télérama sans mention de droits

Tout cela tourne en rond. Certains se prennent à rêver de briser le cercle en passant à l’offensive (voir la réflexion X). Parce qu’ils trouvent toutes ces gesticulations, même quand on casse des vitrines ou des gueules, bien inoffensives. Et ils ont raison sur le diagnostic : c’est inoffensif. Mais quelle offensive ? Mieux organiser l’épreuve de force ? Allons donc…
Mettre plus de force là où la force a déjà fait preuve de son inefficacité me semble assez idiot. C’est peut-être même ce qu’attendent ceux qui disposent de la vraie force pour mettre fin au désordre public : qu’on deviennent vraiment idiots au point de mériter les coups.
Dans ce passage à l’offensive, la solution violente n’en est pas une. Comme le rappelle Pascal Tozzi (auteur de Plaidoyer pour la non-violence) :

Lorsqu’elle s’impose comme une nécessité, elle [la violence] est toujours la moins bonne option, celle d’un acte particulièrement grave et dommageable. D’un point de vue non-violent, il faut donc tout mettre en œuvre pour qu’une option dictée par des circonstances exceptionnelles ne devienne jamais un choix de principe.

Passer à l’offensive, c’est autre chose.
C’est mettre fin à la danse des incompréhensions et des manipulations en laissant les violents danser tout seuls.
Que ceux qui gouvernent se retrouvent seuls à faire de la pédagogie inutile.
Que ceux qui patronnent se retrouvent seuls à vouloir extorquer du travail.
Que ceux qui patrouillent se retrouvent seuls dans des rues désertées et des places recouchées.
Fini, plus de manifestation, de nuit debout, de travailleurs ou de travail.
L’offensive par le vide.

Bien sûr, cela ne se fait pas comme ça.
Il faut s’organiser au lieu de revendiquer. Lordon a raison, revendiquer c’est encore laisser le pouvoir à d’autres.
Être offensif contre la loi travail, c’est tenter de se passer du travail. Pas n’importe quel travail, mais ce travail subordonné qui produit des profits avant de produire de l’utile et aurait besoin d’une loi pour gagner encore plus. La loi tombera d’elle-même.
Passer à une autre forme de travail, une activité consentie pour son utilité. Faire ici et maintenant ce qui doit être fait, tout ce qui doit être fait, et ne plus se défausser sur ceux que la pression économique y obligent pour faire le sale boulot profitable à quelques-uns.
Il y aura une transition. Passer à l’offensive, c’est gérer cette transition.
Que ceux qui ont quelque chose (de l’argent, du logement, des outils, de la terre, du temps…) le mettent à disposition pour que ceux qui n’ont que leur travail ne soient pas obligés d’y retourner. Ni demain ni jamais.
Ça, c’est offensif. Et contre ça, on ne peut pas envoyer la police.

D’ailleurs je le répète, parce que même simple ça vaut le coup : que ceux qui ont quelque chose le mettent à disposition de ceux qui n’ont que leur travail, pour qu’ils ne soient pas obligés d’y retourner. Ni demain ni jamais.

La peur ne changera même pas de camp : il n’y aura plus de peur.
Celui qui veut courir plus vite courra tout seul devant et finira bien par attendre que les autres le rattrapent.
Il sera bien fatigué, on l’aidera à avancer, ou on s’arrêtera tous un moment. Les oiseaux, les baleines et les petits ours blancs nous diront bien merci.
L’offensive, quoi.
Non ?
Nous avons une chambre, un bout de terrain et de quoi tenir un moment, si quelqu’un veut nous aider à bêcher sans retourner travailler.

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Pendant que je passe à l’offensive non-violente, je lis Et j’ai su que ce trésor était pour moi, parce que c’est un des plus beau titres de la saison, je trouve.