Comme ça s'écrit…


Merci messieurs DuponKen

Posted in Admiration par Laurent Gidon sur 20 novembre, 2023

Sous ses airs de fable, le nouveau film d’Alpbert Dupontel nous dit ce qu’on peut faire lorsqu’on a du pouvoir.
Et le nouveau film de Ken Loach nous dit ce qu’on peut faire lorsqu’on n’en a pas.
Bien sûr, on leur répondra qu’il est facile de donner des leçons, et que si un film (ou un livre, un tableau, une chanson…) pouvait changer les choses, ce serait fait (ou interdit) depuis longtemps.
J’ai déjà rendu hommage à M. Dupontel (ICI), j’ai apprécié ses propos sur Thinkerview, et je pense l’honorer aujourd’hui (lui seul acceptera ou pas) en le rapprochant de M. Loach (je reconnais toutefois que le montage photo ci-dessus est esthétiquement critiquable).
Quant à nous, pauvres petits rien-du-tout, continuons gaîment de voir des films, de lire des livres, de regarder des tableaux et d’écouter des chansons, tant que nous pouvons.
Par exemple, je lis Le Royaume désuni, de Jonathan Coe, traduit par Marguerite Capelle.


Prison Break

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 12 novembre, 2023

Un documentaire, visible sur arte.tv (clic), enquête sur le travail forcé des prisonniers chinois et étrangers incarcérés en Chine.
Si vos vies trépidantes ne vous permettent pas de consacrer 94 minutes à ce doc, laissez-moi vous le résumer : les prisons chinoises devant être financièrement autosuffisantes, leurs dirigeants exploitent les prisonniers comme main-d’œuvre gratuite et emploient des méthodes plus que brutales pour faire fabriquer ou emballer des produits que nous avons de fortes chances de retrouver vendus chez nous sous des marques occidentales s’affirmant pourtant vertueuses.
Il y a des milliers de prisons en Chine, des millions de prisonniers, nombre d’entre eux condamnés pour raisons politiques.
L’opacité des circuits de sous-traitance et d’approvisionnement est telle que, d’une façon ou d’une autre, tout produit totalement ou en partie fabriqué en Chine peut être issu de cette forme d’esclavage.

Pour une bonne part, les horreurs qui sont en cours sur notre planète échappent à notre pouvoir d’action. À part manifester, nous ne pouvons rien pour l’Ukraine, Gaza, les bateaux surchargés de migrants et tous ceux qui souffrent loin, hors d’atteinte, sous les radars.
Mais nous pouvons lire une étiquette. Même une étiquette de prix.

Un des témoins du documentaire énonce : « quand un fournisseur vous propose un produit à la moitié du prix de tous les autres, vous ne réfléchissez pas plus loin. »
C’est pourtant ce que nous pouvons faire : réfléchir à ce que nous achetons.
Chacun est libre de son porte-monnaie. Chacun peut se renseigner sur l’origine de ses consommations.
Cela prend du temps. Les résultats ne sont pas certains.
Il est facile de se dire qu’un produit qui coûte deux fois moins cher que son concurrent est probablement fabriqué de façon peu respectueuse.
Mais un produit cher peut aussi avoir transité par une prison chinoise.
Parfois, il vaut mieux ne pas acheter du tout, se débrouiller autrement.

C’est là que se situe notre pouvoir, pendant que ceux qui sont censés nous représenter votent des résolutions encourageantes, mais qui seront sans doute battues en brèches par les petits margoulins de la chasse aux centimes. Ils gagnent beaucoup sur notre indifférence ou notre crédulité.
À nous de leur montrer qu’ils ont tort, non pas dans la rue, mais dans nos achats.

Comme le résume un député européen : tant que ça rapportera, tant que notre consommation participera à ce système-là, nous serons co-responsables du travail forcé. À nous de faire plus que témoigner une solidarité de façade.

Pendant que les prisons se remplissent, je lis Hors gel, d’Emmanuelle Salasc, chez P.O.L.

Because of You

Posted in Admiration,Réflexitude par Laurent Gidon sur 3 novembre, 2023

Une nouvelle chanson des Beatles – la dernière sans doute – vient de sortir.
Au-delà du caractère événementiel de l’info, de la prouesse technique réalisée, ce qui me touche c’est la date.
Bousculés par l’agenda israélo-palestinien, lui-même secoué par la tempête Ciaran, les médias n’arrivent plus à rendre compte de la guerre en Ukraine et encore moins des soubresauts environnementaux, judiciaires, policiers, financiers, moraux, des petits gars qui nous gouvernent ou aimeraient tant nous gouverner.
Et c’est pourtant maintenant, au cœur de cette période (que chacun peut colorer de sa propre nuance de noir) que Paul et Ringo ont décidé de sortir leur petite chanson.

Il n’y avait pas d’urgence.
John, à l’origine du morceau, est quand même mort depuis plus de 40 ans.
George, qui a payé son écot en guitare rythmique, l’a suivi depuis plus de 20 ans.
Peter Jackson lui-même (rassurez-vous, il n’est pas mort) a traité la cassette de John pour en isoler son chant voici au moins 4 ans, parallèlement à son documentaire Get Back.
Bref, on aurait pu attendre encore un peu, voir comment les choses se tassent sur les multiples champs de bataille qui se poussent du coude pour occuper l’espace médiatique, mais non : « Allez, Ringo, a dit Paul, on y va, on la sort quand même, ça ne peut pas leur faire de mal. »

Du haut de ma petite passion pour la musique en général, et pour celle des Beatles en particulier, je leur dis merci.
Merci de nous montrer aujourd’hui qu’il est possible de mettre toute son énergie, toutes ses tripes, toute sa haute technologie, non pour tuer son prochain ou faire valoir ses droits, mais pour partager quelque chose de beau qui touche. Je ne suis pas naïf, il y a certainement des sous à la clé, mais quand même, c’est beau et ça touche.
Merci de nous témoigner aujourd’hui, surtout aujourd’hui, qu’être humain c’est aussi se montrer capable de ça. Ressusciter deux morts, rendre leurs voix audibles, les accompagner dans leur long chemin jusqu’à nos oreilles.
Merci de nous rappeler que dans le marigot puant de nos vilenies surnagent quelques fleurs en boutons qu’un peu de talent et de pugnacité font éclore.

L’émotion qui m’a étreint en voyant, dans le mini-doc sur la fabrication du morceau, Paul, George et Ringo écouter la petite chanson de leur vieux copain mort sur une cassette crachotante, n’est pas étrangère à celle que j’éprouve en apprenant telle explosion, tel massacre, telle tempête.
Ils sont à la fois tristes et nostalgiques, ces trois musiciens, mesurant à la fois leur perte et l’intensité du bonheur qu’ils ont partagé, la puissance de ce qu’ils ont créé. Quelques notes sauvées, pour cœurs déchirés.
Tout cela, c’est de l’humain. On ne choisit pas. On prend, c’est comme ça.

Merci donc, quand le désespoir monte ses embuscades, de nous rappeler qu’il y a cela aussi en nous, un peu de Beatles (ou de Stones, si vous y tenez), de Van Gogh, de Franquin, de Vinci (pas les autoroutes, merci), de Mozart ou de Michel-Ange (ajoutez qui vous voulez.
C’est là, en nous et autour, dans des sourires de gamins et des larmes d’anciens, jamais loin de la surface.
Merci, John, Paul, George, Ringo et tous les autres, merci aussi à ceux qui savent écouter, regarder, aimer, par-dessus tout.


En ce moment je lis Timika, western papou, de Nicolas Rouillé aux excellentes éditions Anacharsis.