Comme ça s'écrit…


Supplique à messieurs Sarkozy, Hollande et consorts

Posted in Vittérature par Laurent Gidon sur 25 août, 2016
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La chaise vide, notre dernier espoir !

La chaise vide, notre dernier espoir !

Je vous en supplie messieurs qui avez déjà eu le pouvoir et l’avez gâché, ne vous présentez pas à l’élection présidentielle de 2017.
C’est un cri du cœur, un cri de l’âme, entendez-le !
Je sais que vous avez annoncé votre candidature ou que vous vous préparez à le faire. Je connais votre tactique qui consiste à espérer, non pas arriver en tête du premier tour, mais être second, en position d’affirmer « Moi ou le FN, moi ou le chaos ! »
Votre calcul est juste et se vérifiera pour l’un au moins d’entre vous. Pourtant, messieurs Hollande, Sarkozy et consorts (personnes qui partagent le même intérêt dans une procédure), je vous supplie de ne pas poursuivre.
Vous serez élu – l’un d’entre vous le sera – mais sans adhésion, ni à vos idées, ni à vos promesses, et encore moins à votre personne.
Vous allez encore obliger tout un pays à voter contre.
Depuis 15 ans déjà, nous votons contre. Pas tous, certains vous croient, mais la grande majorité d’entre nous a voté «contre pire que vous» à chaque élection présidentielle, et cela tue l’espoir.
Votre persistance mortifère au sommet des appareils et en tête de sondages biaisés nous enferme dans cette situation sans issue.
Faites un geste pour la France, un vrai, je vous en supplie.
Faites le seul geste utile encore en votre pouvoir : ne vous présentez pas.
Retirez votre candidature !
Laissez place, laissez-nous voter pour nos espoirs et non contre le pire.
Retirez-vous avant d’ensemencer encore 5 ans de désespoir.

Si vous restez en lice, je m’engage et j’appelle tous les électeurs qui voteront pour un autre candidat au premier tour à respecter leurs convictions, et donc ne pas voter au second. Ce, quel que soit votre adversaire, même le pire.
Vous serez seul, il n’y aura personne pour voter contre.
Personne d’autre que les quelques derniers croyants de votre religion du pouvoir.

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Tout en suppliant à genoux, je lis Le Club des miracles relatifs, de Nancy Huston. C’est de saison.

Bienvenue dans la bande à Basile

Posted in Admiration,Vittérature par Laurent Gidon sur 11 août, 2016
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Une petite baie de la côte ouest du Cotentin. Le croissant de plage s’étend sur deux à trois kilomètres, face à la Manche d’abord, mais au-delà c’est l’Atlantique et ses tempêtes houleuses. À l’une des extrémités de la baie, un banc de sable lève une vague qui s’ouvre en droites et en gauches intéressantes. Pas tous les jours : il faut que le coefficient de marée dépasse 70. C’est ce que me dit Basile avec son sourire indécrochable.
Basile… Une jeune femme rencontrée sur le parking me l’a présenté comme « le meilleur surfeur de Normandie ». Je lui attribuerais aussi la plus belle moustache. Difficile, moulé comme il est dans une combinaison de Néoprène sans distinction, d’assumer une prestance de dandy anglais. Pourtant Basile y parvient, sans une once d’accent britannique.
Nous ramons ensemble vers la vague. J’ai l’air d’un phoque échoué sur un espar, lui d’un prince caressant l’onde amère. On m’a dit aussi qu’il shape lui-même ses planches – c’est-à-dire qu’il les conçoit, dessine et réalise – et je veux bien le croire. Celle qu’il chevauche ressemble à une Moby Dick de poche. On dirait une longboard lorsqu’il danse vers l’avant et vient en agripper le nez rond de ses deux pieds (les initiés reconnaîtront un hang ten) pendant que la vague casse généreusement sur l’arrière. Mais l’arrière, justement, semble avoir été raboté, aminci, pour filer comme la queue d’une goutte d’eau. Dessous, un effet de papier à la cuve dessine des volutes à dominante d’orange. C’est artisanal, plutôt joli, sans prétention, unique.
Basile ne prend pas la vague : il l’épouse. Une ondulation que mon manque de pratique me pousse à mépriser se lève doucement devant nous. Lui fait « Ho, ho… » sans cesser de sourire, tourne sur place et se coule en deux brasses dans un creux apparu par magie là où il n’y avait rien.
La danse commence. Elle durera quelques secondes, donc une vie de couple féconde qui déposera des graines de bonheur dans le regard de tous ceux qui partagent ce moment. C’est souple, vif, enlacé, intense mais sans brusquerie, cela n’exploite pas mais révèle et magnifie, c’est beau et cela meurt, d’autant plus beau que c’est bref.

L'ami patineur

L’ami patineur

Nous sommes une quinzaine à profiter du spectacle, et des vagues que Basile nous désigne d’un clin d’œil quand il n’est pas le mieux placé. Parfois il échange quelques mots avec un autre surfeur, et je comprends à les entendre qu’il a aussi sculpté cette planche-ci, multicolore et courte comme une savonnette. L’ami de Basile danse également, à sa façon plus vigoureuse, en pompant l’énergie de la vague avec des gestes imitant le pas du patineur… qui n’aurait qu’un patin.
D’autres échangent des saluts lointains, les yeux brillent du plaisir de se retrouver et de célébrer chaque surf comme autant de cadeaux. Aucune hâte ou précipitation, encore moins de compétition. Chacun communie dans ce qu’il a et ce qu’il peut. Un costaud souriant attend la prochaine à mes côtés. Je préfère le prévenir : il m’arrive de faire des erreurs de priorité et il ne doit pas hésiter à me les signaler.
On ne prend pas la vague si quelqu’un d’autre est mieux placé au pic. Mais pour cela, il faut savoir la juger avant que le pic se creuse, justement. Tout un art dans lequel je balbutie malgré ma bonne volonté.
Ici, on me répond qu’il y a en bien assez pour tout le monde et cela me rappelle ce dicton irlandais : quand dieu a créé le temps, il en fait suffisamment. Pour la bande à Basile, les vagues et le temps c’est tout un.
Il me prend de rêver que toute notre belle humanité entre dans la bande. Il y aurait toujours assez de vagues, et de temps, et de tout.

 

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Entre deux sessions, j’ai tenté de lire Check-Point de Jean-Christophe Rufin. Tenu en échec, j’ai relu avec ravissement L’Abyssin, du même. C’est bon, un bon livre bien écrit. Très bon.