Comme ça s'écrit…


Six stations du jeudi

Posted in Lecture par Laurent Gidon sur 26 août, 2010

C’est jeudi, c’est reparti : une citation à la volée avant de partir pour la Convention SFF de Grenoble.

Aujourd’hui, c’est Timo qui s’y colle, à partir d’un joli texte extrait de ses Caviardages.

Ils se sont assis dans la pénombre, autour de la grande table ovale, le vent soulevait leurs queues-de-pie, j’ai pensé à d’étranges animaux bipèdes rassemblés en silence autour d’un marigot dans quelque lointaine province du Zaïre ou du Cameroun. D’ailleurs, à la manière dont les arbres du jardin circulaire filtraient le vent encore brûlant du soir, en un jeu d’ombres tout antédiluvien, griffes et muscles noirs contre le ciel d’un violet avarié, nous aurions aussi bien pu être réunis au plus dense, au plus humide de l’Afrique.

Timothée Rey – Dans la Galette

A la s’maine prochaiiiine (pour ceux qui se souviennent de « Merci Bernard« )

Lettre à Nicolas Sarkozy, président de la république française

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 25 août, 2010

Monsieur le président,

Il peut arriver à chacun de se croire cerné de haines et d’incompétences. Vous-mêmes vous sentez-vous peut-être la cible d’une attaque généralisée dont votre personne plus que votre fonction serait l’objet. Ne pensez pas cela.

Il y a partout des gens qui, sans être d’accord avec vos actions, vous respectent en tant qu’homme. Si j’arrive à m’en convaincre, vous le pouvez aussi. Des citoyens de tous bords réfléchissent à des solutions pour nos impasses et vous laisseraient autant qu’un autre les incarner ; des Français qui souffrent ou patientent espèrent que vous saurez soulager leurs angoisses sans pour autant désigner de coupables ; et j’en suis sûr, des croyants vous incluent dans leurs prières.
Partout, des idées naissent, chargées d’espoirs plutôt que de peurs et de rancœurs rétrogrades ; des idées dont vous pourriez être le porteur. Des idées qui pourraient fédérer autour de vous et de votre fonction les vraies voix de la liberté, de l’égalité, de la fraternité.

Il est certes difficile de les entendre. Plus difficile que de prêter l’oreille aux ambitions, aux avidités et aux jalousies dont le vacarme est trompeur : elles ne seront jamais apaisées.
Leur nombre apparent est également un leurre : attisées sans cesse, ces passions brûlent vite et cherchent toujours un nouveau brasier. Une flambée de sondages et puis s’en va.

En revanche, ceux qui vous critiquent sans excès mais avec arguments, et peuvent ainsi paraître vos plus strictes opposants, sont aussi ceux sur lesquels vous pouvez compter, durablement. Parce qu’ils ne vous haïssent ni ne vous adulent. Ils ne changent pas d’avis avec le vent. Ils ne se défaussent pas de leurs problèmes sur les politiciens tout en les méprisant. Ils savent au contraire s’engager pour une démarche qu’ils sentent juste, ou au moins nécessaire. S’ils ne sont pas avec vous lorsque vous vitupérez, ils ne seront pas contre vous quand vous agirez. Leur nombre vous étonnerait.

Pourquoi vous dire ces choses bien mièvres et que vous savez sans doute déjà ? Parce que la tentation est grande, lorsque les mécontentements s’élèvent, de se sentir seul contre tous. Personne n’est seul. La responsabilité qui est la vôtre, loin de vous isoler, doit vous rapprocher des vraies forces de ce pays, voire de ce monde.
Les impasses dans lesquelles s’est engagée notre société l’exigent de vous autant que de nous tous. Cela aura un coût, mais un coût juste.  C’est un prix que nous sommes prêts à payer aujourd’hui, en matière économique, sociale et environnementale, pour qu’il ne soit pas plus élevé demain. Dans ces domaines, les actes sont moins chers que les mots, lesquels hypothèquent l’avenir dans le bouillonnement du présent.

Saurez-vous écouter avec discernement, vous rapprocher des vrais besoins et vous engager avec ceux qui vous soutiendront vraiment parce qu’ils préfèrent encourager que détruire ? Cette lettre ne sera qu’une goutte d’eau pour vous y inciter. Mais une goutte d’eau pour celui qui a soif, c’est mieux que rien.

Bien à vous,

Laurent Gidon

L’e-Bélial, ou comment faire confiance au lecteur

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 24 août, 2010
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Il y a une révolution en marche. Celle de la lecture numérique. Nouveaux supports et arrivée permanente de nouveaux contenus font bouger les frontières entre le papier et l’écran, entre auteur, éditeur, publieur, diffuseur et libraire, entre écriveur et lecteur. Une révolution mondiale qui se répand à la vitesse de Ternet, et Ternet ça va super vachement vite.

Mais pas chez nous.
Déjà que les nuages atomiques contournent le pays, ce n’est quand même pas une vulgaire révolution numérique qui va nous atteindre. En tout cas, pas tant qu’Hadopi (pi au lit) n’est pas suffisamment en place pour chasser le contrevenant de base.
Donc, en France, rien, à part quelques essais suffisamment plombés dès la conception pour être annoncés morts nés et servir d’excuse à leurs promoteurs aussi réticents que faussement enthousiastes : « Vous voyez bien que le numérique ça marche pas, la preuve, on a essayé, et c’est tout foireux ! »

Sauf que…

Disons qu’un éditeur se sente les couilles de s’y mettre pour de vrai, en prenant le problème à l’envers.
Disons qu’au lieu de bétonner l’offre côté libraires, plateforme, supports et toutim, l’éditeur pense d’abord au lecteur.
Disons encore qu’au lieu d’y penser comme un simple client, il lui fasse aussi confiance, un peu comme à un partenaire, quoi.
Disons enfin qu’au lieu de se disperser dans la sauvegarde d’intermédiaires dispendieux, l’éditeur joue plus simplement et directement le passeur entre l’auteur et le lecteur, et laisse à l’intermédiaire la possibilité de se greffer dessus si ça lui chante, mais pas plus…
Serait-ce révolutionnaire ? Serait-ce même possible ? En France ?

Non, bien sûr, ce serait de la pure science-fiction.

C’est pourquoi, sachant que ce serait impossible, Le Bélial l’a fait.

Le Bélial ?
Ben oui, un éditeur de SF. Un éditeur d’imaginaire qui ne fait pas qu’imaginer et passe aux actes, en se donnant pour de vrai les moyens que ça marche. Un éditeur, surtout, qui ne prend pas ses auteurs et ses lecteurs pour les cinquièmes pis de la vache à traire.
Le 1er septembre, le Bélial lance e-Bélial, une plateforme d’achat de livres en numériques, à des prix minimum qui laissent la possibilité au lecteur fortuné de donner plus pour soutenir l’opération, en laissant jusqu’à 30 % des revenus à l’auteur (contre moins de 10 % en papier) et sous tous les formats qu’on veut et qu’on voudra plus tard, sans DRM (ces saletés de gestionnaires des droits numériques qui foutent la zone d’un lecteur à l’autre).
Parce que chez e-Bélial, on achète bien un livre – et non un simple fichier – ce qui s’apparente plus à un « droit à lire », permettant de récupérer le fichier qu’on aurait perdu, écrasé ou abîmé, voire de le recevoir plus tard sous un autre format parce qu’on change de liseuse, voire de le prêter pour faire découvrir l’auteur… bref, un vrai livre.
Et une vraie confiance dans le lecteur, lequel pourra toujours pourrir le truc si le cœur lui en dit, mais je ne vois pas pourquoi, et le Bélial non plus.

Comme la question du prix n’est pas neutre, e-Bélial a décidé de ne pas trancher (ce qui n’est pas révolutionnaire, vous l’admettrez, mais bien sympa quand même). Quitte à faire confiance au lecteur, autant aller jusqu’au bout et lui demander son avis. D’où l’idée de proposer deux livres à prix libre. Chacun paye ce qu’il veut. On peut même télécharger gratuitement : prix de base, 0 €.

Ce sera l’occasion de voir combien les lecteurs sont prêts à mettre, librement, pour un livre numérique. Un sondage en actes, un peu comme un vote. D’ailleurs, je vous recommande d’aller faire entendre votre voix et de donner votre prix. La confiance à ce point-là, c’est proprement suicidaire… ou révolutionnaire.

Pour ceux qui voudraient donner leur avis sans payer, il suffit d’aller s’exprimer sur le forum du Bélial.

Vous voyez, Monsieur le Président, la France a plus besoin de confiance que de gendarmes. Même pas peur !

cliquez, et fixez votre prix

Ce jeudi il a dit…

Posted in Ateliers,Lecture par Laurent Gidon sur 19 août, 2010
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Citation du jeudi, le retour.

J’avais envie de mettre la phrase du livre en cours là où j’avais arrêté ma lecture, mais cette fois-ci c’est vraiment sans intérêt (pas le livre, mais la phrase sortie de son contexte). Et paf, voilà que je tombe sur un article de Télérama. Alors…

Ma pensée est absolument confondue et impuissante devant la souffrance dans le monde. Et pourtant, même dans un âge de fer, la pitié n’est pas réduite au silence.

J.M. Coetzee – 1987

Voilà, c’est tout pour ce jeudi.

Lectures d’été

Posted in Lecture par Laurent Gidon sur 16 août, 2010
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C’était les vacances, la Normandie, la pluie, du vent et des vagues… bien fatiguant tout ça ! On part avec des envies d’écriture et, la flemme aidant, c’est la lecture qui gagne. D’où ce petit point de vue personnel sur peu de livres, mais des longs.

J’étais parti avec Vision Aveugle, Perdido Street Station (1 et 2), mais je ne les ai pas ouverts. Enfin si, un peu, mais refermés pour cause de début bof. Je deviens feignant côté lecture autant qu’en écrivure. Il faut que ça m’accroche tout de suite, ou au moins que je ne sente pas l’effort quand l’auteur s’échine à me rendre hermétique l’univers dans lequel il m’invite. C’est perso, je ne critique pas, et d’ailleurs je reprendrai ces livres plus tard, puisqu’on me dit qu’ils le méritent. Mais là, c’était vacances, alors hein ? Bon.
D’autant que je suis tombé sur Le Club des incorrigibles optimistes, Bifrost n°59 spécial Ballard et l’omnibus des trois premiers tomes de l’Assassin Royal, ce qui m’a bien occupé.

Réglons d’abord l’affaire du Bifrost : comme toujours une lecture de bonne tenue, surtout dans les articles qui m’ont fait découvrir Ballard –  j’étais resté en froid depuis La Forêt de Cristal – avec des nouvelles que j’ai trouvées inégales parce que je ne connais pas assez l’œuvre ballardienne alors qu’elles y font implicitement référence. J’en retiens un intéressant sentiment d’étrangeté, un désenchantement du sexe et une certaine volonté de sacrifier la narration à l’effet. Si le but était celui recherché par les auteurs, carton plein !

Je m’arrête un instant sur L’Assassin Royal, rebaptisé La Citadelle des ombres pour l’occasion. Mon premier Hobb, parfait roman d’été pas prise de tête, avec personnages intéressants, univers accessible et écriture (+ traduction) sans aspérité proposant même de beaux moments bien balancés. Je suis dedans depuis plus d’un mois, je le prends avec plaisir, le repose sans regret, le retrouve avec facilité tant il est facile de se replonger dans cette succession d’aventures, même après une bonne semaine de désaffection. De la belle ouvrage, mais je n’apprends rien à personne.

Quant au Prix Goncourt des Lycéens, il mérite, c’est sûr, mais sans plus. Le Club des incorrigibles optimistes m’a fait la même impression que le Robin Hobb : lecture facile et agréable, personnages attachants et bien calibrés, donc sans grandes surprises, situations rondement menées pour ménager une série de suspenses qui trouvent leurs conclusions… parfois un peu forcée. Ou n’en trouvent pas (qui peut me dire ce qu’il advient de Cécile et de son étrange opération ?) Les 100 dernières pages, censées nous dévoiler le mystérieux secret promis en quatrième de couverture, sont d’une lourdeur et d’un attendu sidérant au regard du reste du roman. Je les ai descendues dré dans l’pentu, autant parce qu’elles me débecquetaient qu’à cause du départ imminent qui m’obligeait à rendre le livre à sa propriétaire. Une impression mitigée au final, comme si j’avais lu un croisement de Gavalda, Pennac et d’Ormesson, fini à la cognée par Sulitzer. Heureusement que le roman était gros et que les proportions jouaient en faveur des meilleures plumes.

Un petit dernier pour la route : Hyperion. C’est la troisième fois que j’essaie d’entrer dans ce qu’on m’a toujours présenté comme un chef d’œuvre. Les deux premiers essais s’étaient soldés par un échec dès le prologue. Depuis une semaine, j’insiste. Il m’a fallu 150 pages épuisantes pour commencer à m’intéresser à ce qui se passe. En cause ? Peut-être la lourdeur du procédé qui nous inflige d’interminables descriptions de personnages (à la réflexion, pas plus d’une page, mais ils sont 7 et ça m’a paru d’un long !) dont on se fout puisqu’ils n’ont encore aucune valeur dans l’histoire. Aussi la façon de traiter l’univers proposé, tout en jargon et rapprochements pénibles – cette agaçante habitude de mélanger trois références actuelles à une censée venir du futur – dans une longue pérégrination sans autre intérêt que de faire du tourisme planétaire. Et c’est dommage, parce que l’étrange naît enfin avec naturel de la rencontre avec des personnages attendus et dont l’altérité me semble bien rendue.

D’où suis-je pour rendre de tels jugements ? De nulle part. Je me positionne juste en lecteur banal qui se demande quelle science-fiction saura happer l’intérêt du grand public, comme savent le faire certains auteurs d’autres genres, pour l’emmener plus loin, vers des univers où l’humain d’aujourd’hui peut regarder son avenir sans honte ni crainte. La SF n’a aucun devoir, sauf peut-être celui d’exister. Mais est-ce suffisant, quand il y a tant à dire et à espérer ?

Ah, autre chose : le très actif site SciFi-Universe m’a gentiment posé quelques questions. Vous me connaissez, je suis bien élevé, je n’ai pas pu m’empêcher de répondre. Allez faire un tour, et si vous avez encore des interrogations existentielles, n’hésitez pas à m’en faire part.

Ce jeudi tu l’as dit

Posted in Ateliers,Lecture par Laurent Gidon sur 5 août, 2010

C’est une idée du Glob de Chiffonnette : la citation du jeudi.

Comme en plus le jeudi je n’ai rien d’intéressant à dire, autant que ce soit un autre qui s’en charge. Aujourd’hui, c’est Jean-Michel Guenassia (ah non, en fait c’est jeudi).

– N’oublie pas, espèce d’abruti de Polonais, que c’est nous les Grecs qui avons inventé la psychologie. Du grec « psukhê » qui signifie « âme », et « logos » qui veut dire « science ». Quand on donne de l’affection, on en reçoit en retour. Tu devrait arriver à comprendre ça ?

Le club des incorrigibles optimistes, Albin Michel, p. 508

Toute tentative de rapprochement avec une quelconque actualité présidentielle sera sévèrement bannie !