Comme ça s'écrit…


Le bonheur, le respect

Posted in Lecture,Non classé par Laurent Gidon sur 24 mars, 2010
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Quand on s’amuse un peu à écrire, il devient difficile de lire sans regarder comment c’est écrit.
Sauf quand c’est suffisamment bien écrit pour qu’on ne s’occupe que de ce qui est écrit et pas du comment.
J’ai bien l’impression de réinventer l’eau tiède en deux phrases, mais c’est ce que je ressens en refermant Un pays à l’aube, de Dennis Lehane.

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Lehane, je l’ai croisé par écran interposé avec Mystic River. Le film m’avait agacé, partagé entre l’impression de plonger dans quelque chose de très bien, très profond, très humain, et celle d’être maintenu en surface par des détails, des jeux d’acteurs (Sean Penn trop Sean Penn), des accrocs… Bref, rendez-vous manqué.

Un Pays à l’aube, je ne l’ai pas raté. Je viens de passer deux mois en compagnie de Danny, Luther, Nora, Thomas et les autres. Deux mois parce que le livre est long de 700 pages bien denses sans que j’aie eu envie d’en sauter une. Deux mois parce que j’ai pris mon temps pour que ça dure. Deux mois malgré les emballements qui me faisaient tourner les pages plus vite que le vent.
L’histoire couvre un an dans la vie de quelques hommes et femmes parmi des milliers, un an d’une ville sous pression, un an d’un pays qui se cherche dans la violence, la misère et l’espoir.
L’auteur ne fait pas vivre les personnages : il nous fait vivre avec eux. Pas question ici de prendre du recul, de considérer l’écriture, les effets, la longueur des phrases ou le nombre d’adjectifs. J’ai tout pris en frontal, j’ai vibré, râlé, étouffé, pleuré, eu envie de cogner (ce salaud de Curtis, si je l’attrape !), été effaré, j’ai espéré, voulu que ça s’arrange, enragé quand tout s’embourbait, j’ai reçu des coups, des balles et des liasses de billets, j’ai tout pris sans réfléchir, comme la vie.

Est-ce que c’était bien ? Comment savoir… c’était fort et nécessaire, je ne pouvais pas y échapper, comme la vie, je voulais que ça continue, comme la vie. Pas moyen de juger, tout est dans le ressenti, dans l’épreuve. Bien sûr, il y a un angle, un point de vue. On est aujourd’hui pour les sacrifiés, les syndicalistes, les grévistes, alors qu’à l’époque la presse et l’opinion se sont déchaînés contre eux, sales bolcheviks ! Mais l’approche de Lehane fait oublier jusqu’à sa présence d’auteur. On le vit et on y croit, sans recul.

Est-ce le bonheur de lire un bon livre ? Je ne sais pas, comment savoir… Mais le respect, oui ! Pour ces deux mois de vie partagés avec des hommes, des vrais, deux mois de vie en plus, en vrai.

D’autres en ont parlé, mieux que moi.

Comment voulez-vous ensuite vous démenez pour promoter des Blaguàparts ?
C’est simple, pourtant : chacun son rayon, la grande Histoire d’un côté, les histoires drôles de l’autre. Moi, je joue tzigane !

3 Réponses to 'Le bonheur, le respect'

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  1. […] à lui-même, cela intéresse-t-il quelqu’un ? Si c’est le clavier (et l’esprit) de Dennis Lehane ou d’Ayerdhal qui fuit, moi je suis pour. Mais s’il s’agit d’un écrivaillon sans grand […]


  2. […] de tourner, je lis Ce Monde disparu, de Denis Lehane (dont j’avais déjà beaucoup aimé Un pays à l’aube), et on m’a offert Chaurasi, de France […]


  3. […] Pendant que 2023 tirait à sa fin, j’ai lu Le Silence, de Dennis Lehane (traduit par François Happe) et j’y ai retrouvé la puissance qui m’avait subjugué si fort dans Un Pays à l’aube. […]


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