Comme ça s'écrit…


Citation du jeudi

Posted in Ateliers par Laurent Gidon sur 28 octobre, 2010

Se mobiliser, rassembler, courir les rues, faire masse sans haine mais sans lassitude, ça prend du temps sur l’écriture. Alors citons les autres, puisque c’est jeudi.

 

C’était du vilain travail, mais je me disais : il faut ce qu’il faut, et, au moins, on n’est pas cruels : on se contente de leur ôter la vie. Tuer les gens, c’est horrible ; nous le savons depuis des années ; mais c’est aussi une nécessité si on veut gagner et sauver la République.

Ernest Hemingway – Pour qui sonne le glas

Voilà, on va encore m’accuser d’actualisme… allez plutôt lire d’autres citations chez Chiffonnette.

Colère et sacrifice

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 22 octobre, 2010

Quelques idées des jours de rue.

Manifester, c’est plus faire acte de présence physique que crier ou brandir (encore moins casser). Face aux corps libres des manifestants la force publique n’oppose qu’une barrière de corps embrigadés, caparaçonnés, mais finalement très peu évolués techniquement, guère mieux qu’une phalange grecque. Ces corps de CRS ne sont donc pas là pour maintenir l’ordre mais pour ajouter de la masse jusqu’au seuil critique, avancer sur un fil d’où il basculeront forcément, du côté victime ou du côté agresseur. Des corps outils, déclencheurs, viande justificative d’action ou répression, dont la présence n’a rien à voir avec la protection de quoi ou qui que ce soit.

Faut-il voir une sorte de vanité de classe très proche de l’orgueil ouvrier dans l’obéissance des forces de l’ordres ? Ouvrier et CRS se plient l’un comme l’autre à des ordres qui vont à l’encontre de la mission affichée et servent des objectifs très éloignés. Disposés en ordre de bataille, ils luttent ironiquement avec la même abnégation pour le maintien des deux faces d’un système qui les exploite entièrement, du corps à la fierté.

Je regarde autour de moi : qu’est-ce qui est produit en France ? Rien. Même mon agenda est imprimé en Chine. Nous vivons aux crochets du monde. Qui produit quelque chose, aujourd’hui ? Qui a une vraie production, matérielle ou de service en France ? Le gouvernement a bon dos de fustiger une minorité qui bloque la majorité : il n’y a que cette minorité qui produise quoi que ce soit d’utile ! Le jour où on verra une grève des assureurs ou des financiers, seuls l’argent en pâtira.

Les avantages acquis l’ont été sur une chaîne maintenant séculaire de sacrifices, partant des colonies (même décolonisées) jusqu’aux actuels pays de mains d’œuvre à bon marché, et ce toujours pour le profit supérieur des décideurs qui voudraient que nous devenions les futurs pays à bon marché. Plutôt que de refuser le retour de sacrifice qu’ils exigent aujourd’hui sous couvert de réforme, il faudrait leur refuser les profits qui ne font que rallonger la chaîne des sacrifices.

La colère contre une retraite qui exigerait de travailler plus pour gagner moins est une prise de conscience bouillonnante de ce qui est volé à ceux qui travaillent pour enrichir l’argent. Bouillonner ne suffit pas, exiger par la colère le maintien de ce qui spolie non plus.

Les casseurs font peur à cause de ce qu’ils détruisent, et le pouvoir instrumentalise cette peur : votre vitrine, votre voiture, votre abribus sont des cibles de voyous contre lesquels nous sommes le seul rempart, soumettez-vous. Pour ma part, et sans justifier la casse, j’ai peur d’un état d’esprit de plus en plus répandu qui clame : « la société est morte et j’attends la moindre occasion pour venir jouir sur le cadavre de la bête ».

L’argent est le seul étalon reconnu. On juge un homme à ce qu’il rapporte. On juge l’efficacité d’une grève à ce qu’elle coûte. Comment évaluer ce qui fait changer les choses et sourire les êtres ?

 

Reconduisons, ce sera autant de temps pour réfléchir au pourquoi

Jeudi citation : Neurtwistin’

Posted in Ateliers par Laurent Gidon sur 21 octobre, 2010

 

 

Être en grève n’empêche pas de faire travailler les autres. En ce jeudi, c’est Laurent Queyssi qui s’y colle, avec un passage de son rigolo Neurotwistin’.

Tout le monde se demandait par quel miracle je vendais autant de livres. Quelque chose n’était pas normal.
Personne n’aurait pu croire que j’écrivais des romans populaires qui plaisaient au public. Non, c’était impossible.
J’avais trouvé une voie qui me permettait de m’accomplir en tant qu’auteur et qui me fournissait une source de revenus hors du commun. J’adorais écrire ces histoires pleines d’action et de rebondissements invraisemblables, et le public adorait les lire. Et, plus important, le fait que je sois une grenouille n’entrait nullement en ligne de compte.

Neurotwistin, Laurent Queyssi – Les Moutons Électriques éditeur.

Pendant la grève, les citations continuent chez Chiffonnette. Bonne journée.

Reconduction !

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 19 octobre, 2010

Soutien à la retraite des uns par d'autres qui n'en auront pas

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 15 octobre, 2010

Citajeudition

Posted in Ateliers par Laurent Gidon sur 14 octobre, 2010

Mur avait neuf ans quand il entendit dans le cottage d’accueil de sa mère un visiteur jurer jovialement « par l’Homme Sans Visage ». Plus tard, après son départ, Mur posa une question à sa mère : « Est-ce que l’Homme Sans Visage existe vraiment ?
— Oui certes, il existe » répondit Eathre.
Mur réfléchit quelques instants, puis demanda :
« Comment fait-il pour manger, pour sentir, pour parler ? »
De sa voix sereine, Eathre répondit : « Il a sûrement trouvé un moyen de se débrouiller. »

Jack Vance – L’Homme sans visage

Retrouvez tous les jeudis chez Chiffonnette.

On peut se tromper

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 12 octobre, 2010

Un écriveur, ça ne sert à rien. Un publiciteur non plus.

La preuve, ils peuvent s’arrêter de travailler et personne ne s’en aperçoit. On ne parlera pas de grève, d’ailleurs. On n’en parlera même pas.

Aussi, au lieu de m’agiter en criant « Je fais grève ! » à qui voudrait l’entendre (donc personne), je vais travailler un peu. Et puis vers quatorze heures je prendrais mon fils (sa maîtresse fait grève, et là, ça se voit tout de suite) et on descendra en ville, au rendez-vous devant la préfecture. Bon, ça ne se verra pas beaucoup plus. Mais je suis assez grand et avec mon fils sur les épaules je pense que je vais dépasser un peu.

Bien sûr, je ne serai pas d’accord avec tous les gens qui seront présents, ni avec tous les slogans qui seront repris en cœur. Mais comme je suis encore moins d’accord avec ce que nous tricotent les petits gars qui nous gouvernent, j’aurai ma place dans le cortège comme les autres.

Voilà, un écriveur ou un publiciteur ça ne sert à rien, sauf sur ses deux pieds. Ceux qui nous limitent à nos fonctions se trompent. Je ne prendrai jamais ma retraite d’être humain.

Ça sent le coup de force

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 8 octobre, 2010

La revue de presse sur France Inter ce matin dressait un portrait sans nuance d’une France fatiguée et d’un gouvernement au bord de l’impeachment.
La (fausse) réforme des retraites mais (vraie) réforme de la répartition des bénéfices (plus pour les actionnaires, moins pour les salaires et les retraites) cristallise une colère sourde et un désarroi dont j’évalue autant le caractère général que la pluralité des causes.
Malheureux, jaloux les uns des autres, fatigués des provocations d’un pouvoir trop visiblement vendu aux hyper riches, usés par le sentiment d’une inadaptation au monde, effondrés par l’effondrement de leur puissance fantasmée, les Français semblent en avoir vraiment marre. On comprend qu’autour de ce non problème des retraites, ils aient envie, chacun de leur côté, d’exprimer leur ras-le-bol personnel, différent de celui du voisin, mais qui rassemblés feront masse.
Selon le chroniqueur de la radio, ça sent plus mai 68 que l’automne 95.

En face, nous avons un pouvoir au plus bas de sa légitimité. Les sondages baissent, les affaires montent, toute tentative de défense, d’explication ou d’apaisement étant vue (à juste titre ?) comme une entrave à la justice. Le pouvoir paraît affaibli, au bord du gouffre, prêt à faire, dans l’excitation, le pas de trop qui pourrait tout précipiter.
Le sentiment populaire va de la défiance à l’exaspération. Certains se prennent à rêver d’un Grand Soir qui nous libérerait de cette engeance ploutocrate (j’ai fait soviétique en seconde langue).
C’est, à mon sens, méconnaître la psychologie des intervenants.

En discutant brièvement sur Facebook avec des relations qui appelaient au changement local du monde (« changez le monde autour de vous, tous les jours, à votre échelle, avec vos moyens, si dérisoires vous semblent-ils »), j’avais posé la question : qu’êtes-vous prêts à abandonner pour que ça change ?
Il me semble que c’est la seule question valable aujourd’hui. Que sommes-nous prêts à abandonner (confort, sécurité, mobilité, télé, Internet…) pour que les choses changent vraiment ? Chaque fois que je pense à un vrai changement, je bute sur une petite chose à laquelle il me faudra renoncer. Faites l’expérience, et dites-moi si je me trompe. D’où l’intuition : le Grand Soir est trop coûteux pour nous tous qui avons tant à perdre.
D’autant qu’il n’y a pas que nous.

Le pouvoir se fiche de sa popularité. Il croit en son pouvoir. Il croit à sa légitimité de droit électoral (presque de droit divin, donc, ce jour où notre petit timonier va discuter avec le pape) et dispose des moyens de la préserver. Les personnalités au pouvoir – les têtes d’affiches comme les conseillers de l’ombre – ont démontré leur capacité à prendre des décisions sans la moindre considération morale ou même politique. Ils peuvent, ils font, ils bétonneront après. Pas besoin de risquer le point Godwin, il suffit d’évoquer l’intervention possible, sinon probable, de l’armée en cas d’émeute, pour voir que tout est déjà prêt, le pire envisagé et les matraques rangées avec les accessoires dépassés.
Selon moi, tout cela sent plus le printemps de Prague que mai 68.

Cela sent le coup de force, mais pas du côté des manifestants.
Cela sent la reprise en main violente sous couvert de ce que le peuple ne veut pas abandonner : l’ordre de surface.
Cela sent la stigmatisation de l’agitation pour pouvoir frapper sur les têtes qui dépassent et maintenir le couvercle sur le vrai désordre, celui qui pourrit les vies et la planète.
Cela sent l’excès pour l’exemple, que l’on minimisera plus tard comme dérapage individuel avant de l’encenser comme action nécessaire et courageuse, gloire au soldat, pardon aux familles, fallait pas envoyer vos gosses à la manif…
Cela sent l’usage de la peur et l’instrumentalisation de la force publique.
Cela ne sent pas bon.

Heureusement, il y a des prix Nobel de littérature et des prix Nobel de la Paix. Heureusement, il y a des gens de toute extraction qui ne renoncent pas à être humains en échange d’une voiture inviolable et d’une télé à écran plat. Heureusement qu’il y a des gens prêts à changer le monde autour d’eux, tous les jours, à leur échelle, avec leurs moyens, si dérisoires vous semblent-ils. Que sommes-nous prêts à abandonner pour les rejoindre ?

CR Franck Prével / Reuters

http://sites.radiofrance.fr/play_aod.php?BR=16175&BD=08102010
http://www.rue89.com/entretien/2010/10/03/letat-se-prepare-a-une-guerre-dans-les-cites-169076

Citation du jeudi

Posted in Ateliers par Laurent Gidon sur 7 octobre, 2010

Dans l’antre de mon cabinet, je n’ai vu que des vieux ou presque. Jour après jour, des visages marqués par les ans et les épreuves. Moi, jeune et brillant, je me demandais ce qu’on ressentait au soir de sa vie. Sils regardaient derrière eux, que restait-il de toutes ces années enfuies ? De quoi était-ils fiers ? De quoi avaient-ils honte ?

Isabelle Guso – Présumé CoupableGriffe d’Encre éditions

Voilà, je suis en train de le lire. Je verrai à la fin ce que j’en pense et ce que je peux en dire. N’hésitez pas à lire tout ce qu’en pensent les autres ici.

La couverture est de Zariel (comme les Blaguàparts, mais pas le même style).

Si vous aimez les citations du jeudi, retrouvez-les toutes chez Chiffonnette.

En vitesse pour se faire des copains

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 4 octobre, 2010
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Il y a un fil sur le forum d’ActuSF où on peut dire tout le mal qu’on veut des auteurs pourquoi les auteurs ne doivent pas vivre de leur plume (à part certains veinards qui font de « bons » bouquins qui se vendent, mais pas le Goncourt).

Plutôt que gémir et médire de la chaîne du livre qui déjà ne s’en sort pas en payant 7% de droits aux auteurs, j’ai réfléchi vite fait à quelques solutions… dont on n’a pas besoin, puisqu’il n’y a pas de problème.
Payer les auteurs quand ils n’écrivent pas (ou pour qu’ils n’écrivent pas et les envoyer faire des TIG).
Obliger les gens à acheter un livre par mois, mais seulement des livres qui font moins de 10 000 ventes.
Obliger les bibliothèques de prêt à acheter tout ce qui sort.
Vendre les livres vachement plus cher, surtout ceux qui ne se vendent pas, ainsi ça ne portera pas à conséquence.
Vendre les livres vachement moins cher, surtout ceux que personne ne veut lire, comme ça ils se vendront pas plus et l’auteur n’y gagnera pas moins.
Raccourcir la chaîne de distribution, ou la changer (elle a fait 80 000 km, c’est bon)
Faire passer un examen aux auteurs pour être sûr qu’ils savent écrire des trucs qui se vendent, et interdire d’écrire à ceux qui échouent.
Ne sortir qu’un livre sur quatre, ou cinq (c’est facile, on n’autorise la publication que des livres dont l’ISBN se termine par 0 ou 5) pour réduire l’offre et donc augmenter la demande et les bénef, yeah !
Interdire le cinéma, la télé, les jeux vidéo et les guitares au coin du feu : la lecture, seul loisir légitime (j’vous vois v’nir, procréer n’est PAS un loisir).

Si vous avez d’autres idées, n’hésitez pas : le sujet est trop grave pour se passer d’une bonne intelligence collective.