Comme ça s'écrit…


Quand la neige a fondu

Posted in Vittérature par Laurent Gidon sur 9 mars, 2015
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On les appelle les noix d’hiver.
Elles ont échappé à la récolte ou sont tombées de l’arbre après la rafle. Enchâssées dans une gangue de boue retournée par les lombrics, elles ont passé trois semaines ou plus sous la neige. Leur coque baille comme des huîtres au soleil.
On les ramasse par respect. Ce que la nature te donne, ne le néglige pas.
On les ouvre à la main, elles n’opposent guère de résistance. L’intérieur est souvent pourri, ou héberge un ver, ce n’est pas la peine de les rentrer pour les trier plus tard.
Quand il reste de quoi grignoter on croque sur place, dans la lumière du jour qui tombe encore tôt.
Elles ont moins de croquant et un goût plus doux, pas vraiment fraîches, pas vraiment sèches. On voudrait leur trouver une qualité particulière, comme les vendanges tardives. Il y a un peu de ça. Le temps qui passe et le temps qu’il fait ont accompli quelque chose dans leurs replis dorés. Mais quoi de précis, on ne sait pas.
Ce n’est pas la question. Ce qui compte, c’est l’instant volé à la sainte productivité. Ces noix concrétisent les petits riens qu’on oublie sur les bords de notre quotidien dédié à l’efficacité. Il suffit de s’arrêter hors temps pour s’en apercevoir. Pour ramasser et jouir de ce qui croque encore, à la barbe du tout jetable.

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Tout en croquant, j’ai lu Meursault, contre-enquête, de Kamel Daoud. Rien à dire. Je suis maintenant dans les mémoires de Cyrulnik qu’on m’a offerts pour mes bientôt cinquante ans.