Comme ça s'écrit…


Des visiteurs, venus d’ailleurs

Posted in Vittérature par Laurent Gidon sur 24 mars, 2019

Ailleurs

Depuis quelques semaines ce blog reçoit la visite de lecteurs uniques venus de Hongkong et des États-Unis. Cette audience internationale me ravit et je tenais à les remercier ici.
Par curiosité, j’oserais même les inviter à me renseigner sur la raison de ces visites répétées qui gonflent les statistiques de mes modestes pages.
En effet, ces lecteurs remontent le temps jusqu’aux origines du blog et picorent les articles un à un, avec me semble-t-il une prédilection marquée pour les textes les mieux troussés ou les plus interrogeants.
Je les en remercie doublement puisque cela me permet de me replonger dans des écrits parfois vieux de dix ans, initialement voués à une lecture kleenex, alors que non, ils tiennent encore la route et peuvent parler à ce que nous vivons aujourd’hui.
Un petit commentaire par le formulaire ci-dessous nous en dira plus, j’espère.

Sinon, quelqu’un qui a dû avoir l’impression d’un visiteur venu d’ailleurs, c’est l’éditeur – mon éditeur favori – qui a reçu la primeur de mon nouveau roman. Dans mon excitation à le lui soumettre je lui ai adressé un ancien fichier avant relecture et corrections. Ah, ça fait propre !
Eh bien, en relisant des articles signalés par le passage des visiteurs hongkongais ou étasuniens, je me suis aperçu que j’étais coutumier de ce genre de cafouillage. La précipitation et l’excitation ne me vont pas au teint.

À ce sujet – le roman, pas l’excitation – j’hésite encore sur le titre. Sera-ce L’Île au début de la mort, promesse poétique un peu morbide, ou Très loin, très vite, qui sent plus le thriller (ou l’emprunt à Jonathan Safran Foer).

Encore une fois, si quelqu’un a un avis il peut s’exprimer ci-dessous. Voire me demander le fichier (le bon) pour une lecture anticipée.

Mise à jour du 26 mars : nous enregistrons aujourd’hui, outre la dizaine de visiteurs des États-Unis et de Hongkong, l’arrivée d’un lecteur de Mayotte. Bienvenue !

Mise à jour du 31 mars : record de visiteurs hier, avec plus de 30 lecteurs américains et une vingtaine venus de Honkong. Toujours sans explication. Je vais finir par croire que ce blog est pisté par la NSA et le MSS chinois. Ils viennent peut-être s’y affronter à coup de citations DonLesques, allez savoir (complot facile).

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Tout en regardant exploser les statistiques du présent blog j’ai lu Un Assassin blanc comme neige de Christian Bobin, et je ne regrette pas.

Des nouvelles

Posted in Textes,Vittérature par Laurent Gidon sur 4 mars, 2019

Février a passé. La réserve de bois tient encore, mais le froid peut revenir.

Jean-Marc Jancovici explique très bien pourquoi prendre un café en terrasse ou un bain de mer en février et en France n’est pas une bonne nouvelle.
La pluie qui tombe enfin ne se contente plus de faire du bien à la terre : on sait maintenant qu’elle rabat aussi les multiples pollutions vers le sol. Nous allons respirer mieux et surtout pouvoir refaire rugir nos moteurs. Joie !
Attendons-nous le moment où tout ira suffisamment mal pour être enfin certains que nous remettre à fumer et boire sans frein n’abrégera plus grand-chose ?

Le sommet Kim / Trump ayant capoté, Washington s’empresse de mettre fin à ses grandes manœuvres militaires avec la Corée du Sud. On en fera d’autres, mais de plus petites, moins menaçantes.
En allant au marché je croise une femme d’un âge avancé qui traverse le square à vélo, un sourire indéracinable illuminant son visage bien ridé : on peut être heureux à tout âge et par tout temps.

Il semblerait que les 39 400 gilets jaunes de samedi dernier n’aient pas perdu un seul œil : le Conseil de l’Europe va-t-il demander à la France de reprendre avec intensité l’usage du LBD 40 ? Le hashtag #RendezLesYeux peine à remplacer #RendezL’Argent, mais me semble plus pertinent, sinon surréaliste.
Avoir des convictions et les respecter tout seul semble ne revêtir aucune importance, mais si l’on y réfléchit sans fausse pudeur chacun n’a rien de plus important que soi-même, alors même seul à résister ça passe.

System Of A Down

Le rock américano-arménien de System Of A Down libère assez d’énergie pour m’assister dans l’écriture du roman en cours : j’échouerais à n’importe quel test anti-dopage à large spectre.
Se souvenir de la tête du médecin qui, ayant admis n’avoir aucune explication, finit par lâcher : eh bien, nous allons entreprendre des examens plus poussés
Dans Alphaville, Godard fait dire à Eddie Constantine en voix off alors qu’il descend par un ascenseur vitré :

D’ailleurs c’est toujours comme ça : on ne comprend jamais rien, et un soir, on finit par en mourir.

La reprise sévèrement ré-axée de L’Île au début de la mort (mon 11ème roman donc, pour ceux qui suivent) commence par :

Je suis ce qui survit et oublie.
Le jour où tu auras la réponse à ta grande question ce ne sera pas selon la voie que tu attends.
La réponse est oui, il y a une vie après la vie.
Mais cette réponse ne t’est d’aucune utilité si tu ne sais pas quelle vie.
Imagine un îlot de sable au milieu de l’océan. Ta vie est ce que tu fais du sable entre deux marées qui le recouvrent.
Tu peux façonner un château, creuser un puits, tracer des signes ou laisser simplement une empreinte de pas.
Fais ce que tu veux, de toute façon à la marée suivante l’eau aura tout effacé, le sable sera vierge.
Je suis le sable de cet îlot.
Toujours présent, toujours prêt à prendre toutes les formes ou aucune, je suis le sable.
Toujours vierge, toujours oublieux de ce que l’on a façonné, je suis le sable.
En chaque instant de toutes les vies de tous les univers, je suis le sable.

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Je lis plein de trucs en même temps, dont le très acclamé [anatèm] de Neal Stephenson.

Février cristal

Posted in Vittérature par Laurent Gidon sur 1 mars, 2019

Givre

Le petit rire d’un garçonnet, six ans, sept peut-être, gazouille de branche en branche, mésange légère.
Il joue dans le jardin pendant que son père attend sur la terrasse avec l’oncle Gillou, bière fraîche en main, mousse en moustache. Et son rire qui cristallise l’air tiède en flocons joyeux.
J’ai tendu la slack pour lui en racontant l’arbre de mon fils qui ancre l’un des deux bouts.
C’était il y a dix-sept ans, il avait trouvé une noix et ne voulait pas croire qu’un arbre en sortirait s’il la plantait bien bien. Nous l’avions approfondie au milieu des framboises.
Cristal du temps qui passe et coupe ce qui doit tomber : la sécheresse de 2003 a fauché les framboisiers et laissé seule la frêle tige du noyer qu’ils avaient protégée jusqu’ici des dents de la tondeuse. Seize ans plus tard l’arbre compte ses soixante centimètres de diamètre au garrot et je dois le rectifier chaque automne pour qu’il fasse moins d’ombre et de feuilles au voisin. Il ne m’en veut pas, les noix sont bonnes.
Le petit sur la slack hurle de rire à ma blague : ne regarde pas tes pieds, tu sais bien qu’ils sont au bout de tes jambes.
Chute de la sangle un peu traîtresse. Le petit, cul par dessus tête, se tord de rire sur la gazon d’hiver. Février tout de même, cristaux de gel tous les matins, avant le soleil si loquace. L’astre en dit beaucoup sur les temps à venir, mais je ne veux entendre aujourd’hui que printemps.
Le rire étranglé par l’effort du petit lorsqu’il accepte de m’aider à scier. Le froid croque encore un peu la nuit, il faut du petit bois pour démarrer le poêle.
La mini main dans ma grosse pogne sur le manche, parce que c’est dur quand même de faire mordre les dents. Tire et pousse, tire et pousse, sans appuyer, laisse la scie travailler, c’est pas une faignante : son rire qui pétille dans mon oreille penchée.
Thérapeutique pour convalescent, quelques cristaux, renouveler si besoin.
Ciao février !
C’est l’anniversaire de quelqu’un, pas si loin. Alors joyeux !

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Évidemment je lis L’Homme-Joie, de Christian Bobin (préférez l’édition Iconoclaste originale plutôt que le poche pour la patte manuscrite de l’auteur sur de nombreuses pages).