Comme ça s'écrit…


Tèk ze paoueur !

Posted in Admiration,Lecture,Réflexitude par Laurent Gidon sur 13 décembre, 2013

En tant que consommateurs, nous avons un pouvoir énorme. Nous dépendons de la nourriture pour survivre et nous rachetons une multitude de produits toutes les semaines (parfois même tous les jours) : les décisions que nous prenons peuvent encourager ou desservir les fabricants et les revendeurs par rapport à l’emballage et à la qualité des produits qu’ils proposent. Nous travaillons dur pour gagner de l’argent, et ce que nous achetons ne devrait pas seulement répondre à nos besoins élémentaires (remplir notre garde-manger) mais refléter nos valeurs. Car, en fin de compte, être client revient implicitement à dire « votre magasin répond à toutes mes attentes, et je tiens à ce que vous prospériez. » Nous pouvons voter contre le gaspillage avec notre portefeuille…

En parallèle avec Les Renards pâles de Yannick Haenel, je lis ce petit livre d’une française qui s’est marié et a fait – deux fois – sa vie aux Etats-Unis : Zéro déchet. Pourquoi « deux fois » ? Parce qu’elle a d’abord vécu le rêve américain de la grande maison, des deux voitures, des virées shopping au mall pour des wagons de bouffe préemballée, des week-end entiers passer à chiner l’objet déco qui ira si bien avec sa nouvelle écharpe, du front botoxé et des lèvres aux collagènes. Et puis basta ! elle a tout envoyé promené.
Avec le même mari et les mêmes enfants 100% américains, elle a pourtant réussi à changer l’essentiel : sa vie.
C’est à dire le temps qu’elle passe à faire ceci plus que cela, l’attention qu’elle porte à ce qu’elle fait, la valeur que prend chaque acte.
Et surtout, elle a remplacé le « je suis bien obligé de… » par « je choisis de… ». Dans ce petit glissement sémantique s’engouffre une toute autre vision du monde et de notre place dans ce monde.
« Choisir de… » c’est affirmer qu’il y a toujours une alternative, que rien n’est verrouillé.
« Choisir de… » c’est admettre sa responsabilité personnelle dans tout ce qu’on vit.
« Choisir de… » c’est se donner le pouvoir, le vrai, au lieu de l’abandonner à des hommes politiques ou des décideurs que – souvent – nous méprisons.
Et vous savez quoi ? À travers le mépris que nous choisissons d’éprouver pour les gens de pouvoir, c’est probablement nous-mêmes et notre abdication quotidienne que nous méprisons.

Tèke ze paoueur, doude !

À l’heure où le monde salue la grandeur de Mandela, il est temps de se rappeler que cette grandeur dort en chacun de nous.

De « Vent du soir » à… « Vent du soir »

Posted in Promo,Textes par Laurent Gidon sur 9 décembre, 2013

Galaxies 27Vent du soir est une nouvelle publiée dans la revue Galaxies NS n° 27. Ceux qui sont abonnés l’ont reçue, les autres peuvent se la procurer ici, en papier ou numérique.

Pourquoi en parler si longuement (faites dérouler la page, vous verrez) ?
La première version de ce texte a été écrite voici près de 5 ans et a subi de nombreuses modifications – grâce à la contribution de plusieurs lecteurs – avant d’en envisager la publication. Il m’a semblé intéressant de revenir sur le travail effectué, représentatif d’une évolution personnelle, parce que la notion de travail sur la durée est parfois assez éloignée de l’idée que l’on se fait de l’écriture. Je ne plaide pas pour la formule « 10% de talent, 90% de sueur », plutôt pour la nécessité de savoir ce que l’on veut écrire, puis de se poser la question du comment. Cette question ayant une infinité de réponses, c’est là que commence le travail.

L’idée de Vent du soir est venue en réponse à un appel à texte sur le thème des arcanes majeures du tarot. Il m’incombait de traiter le Pendu. C’est finalement un autre texte qui est paru dans l’anthologie Arcanes : Bout de Route. Comme le livre fait l’impasse sur la symbolique des tarots, je vous la résume : le Pendu représente l’incapacité à faire les choses, l’impuissance, le sentiment d’être « pieds et poings liés » face à une situation qui n’est pas maîtrisée, et indique par là qu’il est parfois nécessaire de renoncer pour pouvoir avancer par la suite.

J’ai écrit la première version de ce texte au moment où je développais un embryon de réflexion sur l’imaginaire non-conflictuel, qui a ensuite conduit à l’anthologie Contrepoint chez ActuSF. Vent du soir est donc imprégné de l’idée qu’on peut trousser une histoire sans faire appel aux ressorts narratifs du thriller (lutte, menace, suspense…). C’est même le cœur du propos, le moteur de la nouvelle. Comme je balbutiais dans mes conceptions sur ce thème, j’ai d’abord maquillé cette approche sous un ton ironique et distant qui se voulait drôle mais n’était que pathétique. Le fond y était, pas la forme. L’essentiel du travail a donc consisté à dégager ce fond de sa gangue formelle.

Voici les quelques paragraphes d’ouverture, en guise d’exemple.

OUVERTURE, VERSION 1

L’image crachote, le son bave et même les perspectives se tordent de rire. Mauvaise idée, ce tour des bas-fond à la recherche de talents neufs, d’histoires fraîches. Il faut quand même un peu de technique pour générer de l’holodream exploitable. Et par exploitable, entendons gagnant : mettre à genoux les réseaux concurrents, leur sabrer l’audience, accrocher le rêveur par ce qu’il a de plus cher : son plaisir.

Alors, la jeune fille descend régulièrement sur la plage. OK. Elle rêve, baille aux étoiles, et… Oh, surprise : voilà le jeune héros qui surgit de l’onde après avoir défait les pirates patibulaires qui l’avaient arraché à son village d’origine. Bon. Évidemment, ils tombent amoureux, mais le roi son père (oui, le père de la jeune fille est roi) ne voit pas ça d’un très bon œil, il fait jeter le héros aux oubliettes et enferme sa fille dans la plus haute tour du château. Là, elle se morfond tellement qu’elle donne naissance à une fille un peu triste, une bâtarde bien sûr (chaud lapin, ce héros sorti de l’eau), et finit par mourir de l’indifférence paternelle en se languissant des étoiles qu’elle ne peut plus qu’apercevoir par une vilaine meurtrière. Elle croyait son jeune amant mort de faim ou de rats dans les sinistres oubliettes, mais non, il s’en sort (regardez, cette astuce d’enfer : des tibias piqués à ses anciens collègues de chambrée et fichés dans les interstices de la pierre pourrie d’humidité, c’est trop bon !) et, plein d’une juste colère, va lever une armée de gueux pour récupérer sa fille bâtarde, se venger du roi et lui piquer le trône. Vous avez vu ses yeux de fou ? Ça va saigner, sûr et certain.

― Non, ça ne va pas le faire. Lourd, déjà vu, et puis techniquement c’est très mauvais. Vous me faites perdre mon temps, là. Vous savez ce qui se passe, plus haut ? C’est la guerre ! Entre les réseaux, entre les studios, entre les équipes d’un même studio… la guerre ! Et une guerre à l’audience, ça ne se gagne pas avec des pétard mouillées ou des blasters à bouchon. Faut en donner, faut faire rêver, faut se bouger le derche… Allez, bougez : suivant !

…/…

Une lectrice avisée m’a fait remarquer que ce début trop brutal est vraiment confus. Il décourage la lecture. Elle avait raison, trop d’idées se télescopent et empêchent le lecteur de suivre le fil narratif de ce que je voulais être une plongée sensorielle dans l’histoire : on passe d’une description de la projection (sans savoir que c’en est une) à la problématique de la situation en insérant le néologisme « holodream », puis à une extension de cette problématique au marché audiovisuel, avant de revenir à la projection, mais dans une description intercalée avec le point de vue d’un spectateur qu’on ne nous a pas encore présenté.

Il faut donc faire plus simple et plus direct, mais aussi plus progressif.

Dans une deuxième version, l’entame était plus graduelle, la lecture de la séquence facilitée par les repères d’entrée et sortie d’holodream qui rythmeront le texte jusqu’au final. Cependant, le ton narquois continuait de desservir le propos.

Lorsque je reprends le travail sur ce texte, ma nouvelle Atempo est paru dans la revue AOC. Plusieurs lecteurs de cette histoire que je croyais drôle ont renâclé devant son style trop distancié, avec intervention permanente du point de vue de l’auteur. N’est pas Audiard ou San Antonio qui veut, en tout cas pas moi. Pour Atempo, il est trop tard, mais je peux encore corriger le tir sur d’autres textes qui avaient subi le même traitement, dont Vent du soir. D’autant que j’ai enfin pris conscience de l’importance personnelle de ce texte, matrice du propos non-conflictuel. C’est un sujet qui me tient de plus en plus à cœur, je  veux le traiter sérieusement et éliminer tout ce qui pourrait passer pour de la vulgarité ou de l’humour déplacé, afin de ne pas détourner l’attention. Au travail !

Dans la version finale, l’entame est encore plus progressive et annonce un changement d’axe : il ne s’agit pas de ridiculiser les artistes de seconde zone incapables de créer hors des stéréotypes, mais plutôt de les présenter comme des victimes et chercher l’empathie. Le producteur, personnage principal, a lui aussi évolué vers une attitude plus empreinte de compassion. Au lieu d’un ricaneur irritant, on a maintenant affaire à quelqu’un qui cherche, et se désole de ne pas trouver. Son assistant gagne aussi en présence pour mieux amener la fin de l’histoire (no spoil).

OUVERTURE, VERSION 3 :

Le transducteur de voyage suspendu au plafond voûté s’active. La rêveuse s’installe gauchement sur la petite chaise qui tient lieu de fauteuil de captation. Elle a sans doute choisi sa plus belle tenue, mais l’impression d’ensemble reste pauvre, presque désespérée. L’assistant de production, immense et mutique, la sangle au dossier pour éviter qu’elle chute pendant sa transe, puis lui colle sur le front le patch de dissociatif. Molécules et ondes se fraient un chemin jusqu’au cortex pour y installer cet état de double conscience permettant à la fois le rêve et son contrôle. L’assistant s’éloigne, sa masse musculaire de synthèse déplaçant un nuage de poussière dans la lumière crue.

L’enregistreur commence à capter les expressions synaptiques de la rêveuse avant de les recomposer en un holodream perceptible par l’assistance rassemblée sous sa focale d’action. En l’occurrence, l’assistance se limite à Shamy Rando, chasseur de talent et récent fondateur de l’agence Rando DreamScout. Il se détend, prêt à faire l’expérience du rêve d’un autre.

L’onde du transducteur impacte directement ses zones visuelle, auditive et olfactive, avec toutefois quelques défauts de réglage. Ce n’est qu’un système portatif, léger et simple, dont le paramétrage standard s’adapte avec difficulté aux conditions locales.

Shamy tente de se concentrer, tout entier à son désir de nouveauté. Dans le parapluie de lumière tombant du plafond devant lui, l’image crachote, le son et les perspectives se distordent. Des conditions vraiment très locales.

Peut-être n’était-ce pas une si bonne idée, ce tour des bas-fonds à la recherche de fraîcheur et de talent neuf. Même plein de fraîcheur et de talent, on aura toujours du mal à générer de l’holodream exploitable sans un minimum de technique. Et, par exploitable, Shamy Rando n’entend pas seulement avantage décisif dans la bataille médiatique. Certes, il est commissionné par le réseau Conquest Traum pour trouver de quoi mettre à genoux les diffuseurs concurrents, leur sabrer l’audience en accrochant la masse des rêveurs par ce qu’ils ont de plus cher : leur plaisir. Certes…

À titre personnel cependant, il cherche autre chose. Et là…

Dreamflash.

Des impressions plus qu’une véritable scène. Les plans du rêve se chevauchent, la rêveuse ayant du mal à séquencer faits et émotions. Une jeune princesse descend sur la plage, bâille aux étoiles, et… Un tout aussi jeune héros surgit de l’onde après avoir défait les pirates patibulaires qui l’avaient arraché à son village d’origine. Naissance d’un sentiment, excitation, ils se jettent l’un sur l’autre… Mais le roi, père de la jeune fille, ne voit pas leurs amours d’un très bon œil. Il fait jeter le héros aux oubliettes et enferme sa fille dans la plus haute tour du château. Là, elle se morfond, donne naissance à une enfant un peu triste, puis finit par mourir de l’indifférence paternelle en se languissant des étoiles qu’elle ne peut plus qu’apercevoir par une vilaine meurtrière… Shamy décroche. Le rêve s’effiloche autour de lui, télescope la mort de la princesse et celle de son jeune amant, la vengeance de la fille bâtarde, la grisaille de son avenir rongé…

Dreamout.

Shamy ne sait pas comment exprimer, sans paraître insultant, que tout cela est trop lourd, déjà vu, et techniquement faible.

« Non, je suis désolé, ça ne convient pas. Peut-être pourriez-vous chercher des idées plus… des rêves que vous auriez envie de vivre, du merveilleux. Comme des voyages interstellaires, tenez. Ou des plongées sous-marines, ça plaît toujours les vues sous-marines… »

La candidate se penche vers sa main toujours retenue à la chaise et arrache le patch de son front. Elle maugrée quelque chose sur l’impossibilité d’inventer du merveilleux quand on n’a même pas d’endroit où dormir. Shamy Rando la regarde se débattre avant l’intervention de son assistant qui vient défaire les boucles des sangles. Si elle-même n’y croit pas, que peut-il faire ?

…/…

Voilà. Je ne dis pas que c’est mieux, mais cela me semble plus en phase avec ce que je veux dire. Tout le texte initial étant de la même eau, à chercher le décalage et l’exagération, le travail d’élagage continue.

Autre exemple, avec la présentation du troisième personnage principal de l’histoire.

VERSION 1 :

Cette pomme pourrie s’avance dans le cercle de projection. Il ou elle, allez savoir : on a l’impression que ses frusques tiennent toutes seules en l’air, autour d’un corps sans doute famélique et qui a su se faire oublier. Le visage est creusé. Pas ridé, creusé. Les joues, les orbites, les tempes, même les petits triangles de peau ordinairement tendue, juste au-dessus des narines : en creux. Et puis le crâne, mal rasé et comme défoncé à coup de merlin. Rien que des trous. Il reste peut-être du cerveau là-dessous, mais en forme de définition rébus pour « microcéphalie ». À voir comme ça, en fin de journée, c’est écœurant.

Depuis qu’il tourne dans les bacs à ordures de l’humanité triomphée, Shamy s’est à peine habitué à la crasse, aux yeux vides et aux peaux en deuil. Sensibilité à fleur de peau. Il a toujours un haut-le-cœur quand il replonge, mais il s’y fait. Son côté humain malgré tout, comme il se plaît à le penser, l’aide à tolérer l’indigence chez son contemporain. La difformité physique en revanche, ça ne passe pas. Et l’eugénisme, bordel ! Ce type est une insulte au positivisme évolutif ; ça met le producteur de rêves en colère. Il se détourne, va quitter la salle. Que Colossus fasse le ménage avant de sortir, lui, il s’en va.

C’est alors que la silhouette au crâne vomitif se place sous le champ de l’inducteur. Sans même y avoir été invitée, elle se branche au projecteur et asperge la pièce du plus éclaboussant des holodreams. Qui arrête le temps.

…/…

Je me demande encore pourquoi j’en avais fait une sorte de freak à la Tod Browning alors que rien ne le justifie. Je me suis peut-être laissé embarquer dans les facilités. Je reprends tout et fais entrer le personnage plus progressivement dans l’histoire, en amont de ce paragraphe. Il a déjà été décrit, mais il n’a encore rien fait d’autre qu’intriguer le narrateur.

VERSION 3 :

Le vieux ! Il ne reste plus que lui. Pourquoi a-t-il passé son tour, toute la journée ? Pour ménager son entrée, peut-être, ou frapper en fin de combat, profiter d’un moment de fatigue. Il s’avance sous l’inducteur, pousse la chaise et se tient droit dans le cercle de projection. Un fantôme : sa bure défraîchie semble tenir toute seule en l’air, autour d’un corps qui aurait pris le temps de se faire oublier. Le visage est creusé. Pas si vieux, finalement, mais la peau presque transparente tendue sur une face osseuse. Cette figure en avance sur la mort vibre encore d’un regard fiévreux. Shamy se demande quels rêves un peu rances, battus et retrempés dans le chaudron des habitudes, vont bien pouvoir en sortir.

Sans y avoir été invité, le vieux se colle un patch de dissociatif sur le front et se branche à l’interface. Colossus esquisse un geste pour l’aider, mais il est déjà trop tard. Soudain, la pièce est aspergée du plus éclaboussant des holodreams. Qui arrête le temps.

…/…

Encore une fois, ce n’est pas forcément mieux dans l’absolu, mais cette approche me semble plus en phase avec le propos du texte. Le travail continue.
Il n’y avait pas que les écarts de langage à retravailler : le personnage principal était une sorte  d’histrion sans morale, méprisant et vulgaire, soudain transfiguré par le miracle d’une rencontre. C’était jouable, mais inutile et risqué puisque le lecteur pouvait le rejeter d’emblée. En m’y remettant, j’ai choisi d’en faire un être acceptable, doué d’une conscience comme vous et moi, peut-être pris au piège d’ambitions contradictoires et dont l’évolution au cours de l’histoire paraîtrait plus naturelle : il n’y trouve finalement que ce qu’il cherche.

Un court paragraphe vers le milieu rend sensible cette évolution du ton.

VERSION 1 :

« Facile : vous avez des relations. Emmenez-moi avec vous, s’il vous plaît.

― Et puis quoi, encore ? »

Et puis quoi, hein ? Que je te regonfle le crâne au métabotox, pauvre loque ? Ramener ce fond d’éprouvette mal rincée chez Conquest, autant se réserver tout de suite un espace dans la rubrique nécro.

…/…

VERSION 3 :

 « Facile : vous avez des relations. Emmenez-moi avec vous, s’il vous plaît. »

Un signal réflexe s’allume chez Rando. Il a l’impression qu’il faudrait faire attention à quelque chose. Pas un danger, non, plutôt une question de libre arbitre. Lui, le gestionnaire, le décideur, est en train de se faire manipuler de façon suffisamment efficace pour qu’il ne s’en rende pas complètement compte.

…/…

Hum… Cela commençait à prendre forme, mais j’ai dû aussi faire face à une de mes faiblesse : ma difficulté à couper des passages qui n’apportent rien, même si j’ai l’impression qu’ils sonnent bien. J’écris à l’oreille, et il m’arrive (euphémisme) de me laisser aller, juste parce que ça balance. Là, je me suis fait violence.

Exemple, la description du bureau de Frank, le patron du réseau que le producteur doit convaincre.

VERSION 1 :

Comme d’habitude, l’holoffice de Frank présente un catalogue de tous les incontournables des Pages Tendances dédiées à l’espace de travail du cadre supérieur. Il croit impressionner, et ça lui évite de se penser quelque chose de plus personnel. Les trois autres membres du conseil de direction font comme si ça marchait : ils ont l’air impressionnés. Mais pas par le décor : une sorte de barge flottante, posée sur un lagon comme on en fait plus, avec le clapotis des vagues, le soleil des tropiques et une bandes de négriers en arrière-plan, occupés à fouetter une dizaines d’esclaves concupiscentes, et plus si affinité. Un rêve de dominateur, l’expression visible par tous d’un esprit souverain.

VERSION 3 : rien.

Pas de description du bureau, et même pas d’autres membres du conseil. Quatre personnages seulement survivent aux coups de ciseaux. D’autres digressions sautent, des considérations sur la domination du marché audiovisuel ou un délire scandé façon rap (« Faut que ça attaque, faire saigner la barbaque, rien que des mecs qui se traquent, qui s’écrasent ou qui claquent, de l’embrouille du micmac… » filé ainsi sur 20 lignes), même s’il avait plu à certains lecteurs.

Le texte passe de 36000 à 26000 caractères espaces comprises, malgré le développement de l’introduction.

Est-ce qu’il y gagne ? Allez savoir… Il me paraît mieux correspondre au propos, ce qui n’est déjà pas si mal.

Est-ce qu’il sera lu, est-ce qu’il plaira ? Cela n’a finalement que peu d’importance (enfin si, pour l’éditeur de la revue), puisque je peux dire sans honte que Vent du soir aura compté, au moins pour moi.