Comme ça s'écrit…


Black Mamba

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 29 novembre, 2019

(disclaimer : mes excuses à tous les internautes qui débarquent ici à la recherche d’infos sur le serpent mamba noir, désolé, on ne parlera ici que d’économie sociale, même si le venin est bien déjà dans la plaie)

Depuis quelques jours, toutes les deux ou trois minutes un sms ou un courriel me rappelle que ce vendredi noir est jour d’hyperconsommation.

Il y aurait, près de chez moi ou beaucoup plus loin, des boutiques où je n’ai jamais mis les pieds et dont je n’ai jamais entendu parler, mais qui elles me connaissent et me réservent des promotions tellement hallucinantes que ma carte bancaire en claque des dents, toute suintante de manque.

La cataracte de données personnelles recueillies, stockées, vendues, puis relâchées sous forme d’incitation à la dépense est palpable autour de moi. Le trafic publicitaire s’entend, partout, dans les discussions, dans les pensées, dans l’énervement des gestes et des regards.

Black Friday ! Le consommacteur est au taquet. Même Radio France, pourtant en grève, a consacré hier une émission sur la meilleure façon d’acheter en promo sans se faire avoir.

Nous sommes censés y gagner. Toute notre civilisation du rentable tient dans ces symptômes aigus de fièvre acheteuse.

Nos cerveaux les plus brillants se consacrent-ils à mieux prévoir et réduire les risques climatiques ou à sauver les plus touchés d’entre nous de la maladie, de la misère ou de la guerre ? Oui, quelques-uns s’y emploient.
L’immense majorité des autres s’ingénie à améliorer la collecte des données personnelles, l’impact des messages publicitaires, la vitesse des transactions financières, la rhétoriques des contrats internationaux…

Pour nombre de nos contemporains, le sommet de leur activité professionnelle consiste à trouver un truc qui fera vendre un peu plus ou détournera un peu mieux les attentions.

Et, l’honnêteté personnelle me contraint à l’admettre, nous en profitons tous un petit peu.

Certes, c’est à la tête du serpent que se trouve le venin, mais il se l’inocule en se mordant la queue, le corps entier est touché.

Nous acceptons que nos jobs n’aient aucun sens, voire pas de job du tout, tant que nous pouvons allumer la télé, partir en week-end, chasser en Sologne, trekker au Népal ou golfer au Qatar selon le barreau de l’échelle dévolu à chacun.

Pour tous, le confort de base est acquis : ouvrir le robinet, tirer la chasse, allumer la lumière, nous connecter au wifi, vérifier sur l’appli, démarrer la voiture… Ce monde qui dépend des autres nous paraît naturel.

Nous ne sentons pas monter le venin. Il y faudrait une pause.

Un moment, ne plus nous laisser programmer par la boîte à pulsions.

S’asseoir et regarder.

Si chacun cessait le travail, ne serait-ce qu’un jour, nous pourrions retrouver ce que nous devons à notre prochain, puisque nous n’en disposerons pas. Et peut-être retrouver le goût de partager un peu ce que nous avons en propre, savoirs, savoir-faire, et surtout temps…

Sinon, un de ces vendredis noirs, promo sur les cercueils !

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Pendant que je n’achète rien, j’ai achevé la lecture des 3 Vernon Subutex avec un peu d’agacement tant j’y au trouvé de bonnes choses dites sur le monde et les humains, perdues dans ce qui m’a semblé bien banal. Maintenant, Moi, ce que j’aime c’est les Monstres, vraiment ! (édition Monsieur Toussaint Louverture, Traduit de l’anglais par Jean-Charles Khalifa)

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