Comme ça s'écrit…


« Un type bien ne fait pas ça »

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 30 avril, 2010
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Un type bien ne fait pas ça : c’est le titre du nouveau livre d’Axel Kahn. Un type bien lui-même, sans doute, qui a été membre du Comité consultatif national d’éthique et a fait plus de trucs pour les autres dans son existence présente que moi dans mes douze vies à venir. Ce titre me plaît beaucoup, et m’interroge aussi.
Je n’ai pas lu le livre. Il n’est pas encore disponible. Mais j’ai entendu le bonhomme s’exprimer à la radio (comme souvent). Voici également ce qu’en dit le site de la Fnac : « À l’heure de la révision des lois sur la bioéthique, le grand scientifique revient sur son parcours intellectuel et donne sa vision des principes fondateurs de l’éthique. » Intéressant, en principe.

Ce qui m’interroge, c’est la notion de type bien.
J’ai entendu quelqu’un, dans la même émission radio, dire qu’il était plus facile de dire le mal que le bien. D’où la pertinence de ce titre. Qui ne donne pas la voie à suivre pour le type bien, mais les chemins qu’il évite. Sauf que l’époque est au relativisme à tout crin.
La preuve :
Chez nous, un type bien n’enferme pas sa femme dans un niqab.
Ailleurs, un type bien ne laisse pas sa femme sortir sans niqab, ou mieux, ne la laisse pas sortir du tout.
On pourrait enfiler les exemples à la pile (ou les empiler à la file), sans faire avancer le schmilkahn.
Suffirait-il d’ajouter « chez nous » à la proposition ?
Chez nous, un type bien n’est pas bigame… Aïe !
Chez nous, un type bien ne s’offre pas un revenu cent fois supérieur à ses employés… Patatras !
Chez nous, un type bien n’abuse pas de sa capacité de nuisance pour extorquer des avantages que la planète réprouve… Pouf, pouf.
On voit bien que ça ne suffit pas.

En même temps, l’a priori de relativisme, y en a marre.
La question – et c’est ce que précise Axel Kahn dans le micro – n’est pas tellement de définir à l’avance ce qu’un type bien ne fait pas. C’est de pouvoir en discuter. Dépasser les évidences culturelles, pour ouvrir le débat et se mettre d’accord sur ce que l’on tolère, ou pas. Sur quelles bases on veut vivre ensemble. Jusqu’où on peut se frotter sans se piquer ou s’éplucher. C’est ça, la vraie démocratie selon l’Axel : poser des titres qui interrogent, pour qu’on puisse en parler.

Alors là, oui.

Par exemple, j’ai envie de dire : un type bien ne raconte pas des histoires qui font jouir les lecteurs en réveillant ou attisant leurs instincts les plus bas.

Maintenant, on en parle.
On en parlera d’ailleurs, à Épinal, entre nous ainsi qu’entre le 27 et le 30 mai prochains.

Un type bien croise-t-il les bras d'un air revêche face à la foule ?

La sagesse du Volcan

Posted in Réflexitude par Laurent Gidon sur 27 avril, 2010

Avec ces andouilleries de cendres volcaniques qui font tomber les avions, tout le monde s’est pris d’un gros coup de sagesse occidentale.
Alors comme ça nous serions complètement tributaires de la technologie et incapables de faire face à la moindre défaillance (mon cœur défaille). Cette découverte macabre nous mettrait bien profond le nez dans nos faiblesses, genre « on savait pas que c’était à ce point, d’ailleurs où j’ai mis mon portable ? »
Ou alors nos dirigeants seraient des cuistres, incapables, soit de prévoir ce genre de catastrophe (combien de morts ?), soit englués dans une précautionnite de principe qui freinerait le progrès et clouerait les avions au sol.
Quant aux « réfugiés touristiques », le chiffre de 6 ou 7 millions nous en apprend plus sur l’ampleur de la transhumance hébdomadaire (pour aller où ?) que sur le drame subi. Je reconnais que ça ne doit pas être drôle de se trouver coincé à Bangkok quand on vous attend lundi à Melun-Sénart, mais il faut se faire une raison, c’est quand même moins dur qu’une place au premier rang d’un crash aérien. Sauf que la sagesse moderne inverse la notion et hurle au scandale, impéritie des gouvernements, petits caractères des polices d’assurance…

À ce prix-là, j’échange volontiers deux gros barils de sagesse contre un petit de bêtise.

Tenez, en voici une, de petite bêtise : le seul enseignement que je retire de l’incident, c’est que nous vivons tous à flux tendu, incapables d’encaisser le moindre écart sans se casser la gueule. Une nuée de funambules courant sur des fils, persuadés qu’en allant plus vite nous aurons plus d’équilibre.
Flux tendu… c’est d’ailleurs le terme qu’emploie Paul Virilio sur France Culture, mais pour appeler lui à une urgente politique de la vitesse (si même la politique s’y met…).

Pour des entreprises, le flux tendu se justifie peut-être : d’autres qui fabriquent les mêmes produits se pliant à ce diktat, il faut le faire aussi pour rester com-pé-ti-tif !
Allez expliquer ça à un menuisier japonais (je le connais) qui coupe ses arbres à la bonne période de l’année, ainsi qu’à la bonne phase de la lune, puis les laisse sécher de 10 à 25 ans suivant l’essence et l’usage qu’il en aura. Réduire les durées de stockage, externaliser les délais et gagner quelques centimes en appliquant les économies du juste-à-temps, c’est du chinois pour lui.
D’ailleurs, il a été bien enquiquiné quand une bonne partie du bois hérité de son père a brûlé dans un incendie. Que croyez-vous qu’il fit ? Il attendit le bon moment pour partir couper de nouveaux arbres avec son copain bûcheron. Cela lui a pris quelques mois. Sur 10 à 25 ans de séchage, ce n’était pas la peine de prendre un raccourci et saloper la coupe. D’autant que ses clients sont patients. Ils savent qu’il n’y a plus que lui dans la région de Kyoto pour avoir du bois – et donc des menuiseries – de cette qualité-là. Ils savent ce qu’ils achètent, ils savent attendre, et ils savent aussi payer le prix que ça coûte. Et le premier concurrent de valeur arrivera dans… 10 à 25 ans.

Mais nous, nous ne sommes pas des menuisiers japonais. Pour lui comme pour nous, le temps c’est de l’argent.
Pour lui, le temps qu’il prend. Pour nous, le temps que nous gagnons.
Pour en faire quoi ? Partir en avion, par exemple, histoire de gagner encore du temps. Aller plus vite que le soleil (ah non, on ne peut plus, Concorde kaput), se lever avant de s’être couché. Rentabiliser chaque seconde. Vivre à flux tendu.

Vu d’ici, on dirait que nous fuyons la mort. Et que si les avions ne volent plus, elle va nous rattraper.
Mais j’ai une info pour nous : elle VA nous rattraper.
Pas la peine d’en faire tout un plat, mais pas la peine non plus de vouloir se voiler la face. Rejeter la mort bien loin (celle des autres, pour ne pas penser à la nôtre). Un peu comme une femme enceinte qui tente de se persuader que non, non, le bébé ne sortira pas, en tout cas pas tant qu’elle ne voudra pas qu’il sorte. Et là c’est pas possible qu’elle accouche maintenant, elle a du boulot, alors tant pis pour le bébé, on oublie, y a plus important, flux tendu !

Voilà. C’est la sagesse du volcan. Nous rappeler que, même au plus rapide de la course, nous sommes toujours enceints de notre propre mort. Et qu’on a beau ne pas vouloir la voir naître, elle va pointer son nez, un jour. On se le cache, on rentre le ventre, on se dit qu’il vaut mieux ne pas y penser pour mourir par surprise.
Au lieu de s’y préparer, de l’accueillir comme elle mérite – après la naissance, ça reste encore l’événement le plus important de notre vie – et d’en profiter comme il se doit.
Merci volcan.

Le dernier fumeur serein ?

Exercice d’admiration

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 26 avril, 2010
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Il est plus facile d’admirer ses contemporains pour ce qu’ils font que pour ce qu’ils sont. Parce qu’on ne sait pas vraiment ce qu’ils sont.
À moins de les rencontrer de près.
J’ai eu un peu cette chance ce week-end, à Montpellier (et à Saint Hippolythe du Fort).

Commençons par Olivier, de la librairie Sauramps. Tellement grand qu’il s’accroupit devant la table des auteurs pour leur parler sans les gêner. Il est là, le sourire indévissable, avec le mot gentil qu’il faut à chacun, sans même avoir à cacher le malaise qu’on pourrait croire l’étreindre vu la désertion du public : discuter avec Ayerdahl, Boudry, Bousquet, Jaworski, Niogret et Wintrebert suffit à son bonheur présent, la comptabilité viendra plus tard, ou pas.
Sautons à Bruno, fan collectionneur absolu, qui achète tout et fait tout dédicacer, même l’obscure nouvelle parue dans une revue littéraire blanche donc pas imaginaire. Il raconte des blagues tordantes qui font pleurer les bébés et participe à l’ambiance de la meilleure soirée que j’ai passée sous la pluie (bon, j’exagère, quelques gouttes seulement).
Il fait un duo parfait avec Grégory, le seul forumeur de qui je n’ai jamais lu une ânerie ou une méchanceté. Il confirme dans la vraie vie. Sauf lors de l’attentat virginal sur la vie d’Hélène Ramdani. On a frôlé le 11 septembre éditorial avec fou rire de destruction massive sur une place signée Bofill.
Hélène était là et j’étais bien à ses côtés, rien d’autre, elle sait déjà le reste.
Elle nous a conduit chez elle avec Charlotte Bousquet, si grande, si fine et si à l’aise avec tous les animaux (même moi) que c’en est miracle. J’aime sa façon de réfléchir avec un angle de tête proche des sylvains de Princesse Mononoké, avant de répondre quelque chose de pas bête.
Justine Niogret était restée à Montpellier, mais je ne lui en veux pas car elle sait rire de mes blagues douteuses, pardonne mes fautes de goût et mérite la rose qu’elle a reçue.
Juste à côté d’elle était assis Jean-Philippe Jaworski. J’ai eu l’opportunité de dire en public combien j’apprécie la musique de son écriture. Je ne m’étends pas sur le sujet, il a trop de classe pour mériter plus de flagornerie.
Un autre qui a la classe, c’est Alfred Boudry, avec son chapeau qui lui aussi s’appelle Alfred, c’est un signe. Deux ans que je ne l’avais pas vu, et j’avais juste envie de lui tomber dans les bras. C’est un autre signe.
Pareil pour Lilian Bathelot, passé en touriste à casquette. J’ai été tellement surpris que j’ai hésité à le reconnaître : je scrutais son regard champagne (pétillant, quoi) en espérant que ce fût lui. Et ça le fut ! Merci la vie.
Un autre que je guettais, c’était Ayerdahl. Jamais rien lu du monsieur, mais depuis le temps que je le croisais de loin… Il est tellement juste qu’il ne nous a pas fallu échanger deux mots pour me sentir bien à côté de lui. Quelqu’un qui fait cet effet-là, c’est rare. Et pourtant ils étaient trois : lui, Sara Doke sa compagne, et Joelle Wintrebert. Empathie maximum, pas besoin de sortir les masques et de jouer mon rôle de trublion promotionnel, je les remercie.
De même que je remercie Bernard, Marion Mazauric, Mickaël Roch, Pascal, Ménéas Marphil, Marmotte et Tobermory, le Raïs et les enfants d’Hélène qui nous ont accueillis comme si on était de la famille, la SNCF qui a fait arriver les trains à l’heure, mon épouse qui m’a laissé partir et revenir.

On se retrouve aux Imaginales.

L'affiche 2010 de Krystal Kamprubi

Des magiciennes et des sorciers

Posted in Promo,Textes par Laurent Gidon sur 22 avril, 2010
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Demain, je prends le train pour Montpellier. Boulversifiant, non ?

Cela n’a d’intérêt que pour ceux qui voudraient venir voir (et participer) chez Sauramps, pour l’avant-première des Imaginales. À mon humble avis ça vaut le voyage, parce qu’il y aura une grosse descente Mnémos avec Justine Niogret, Charlotte Bousquet, mais aussi Jaworski, Ayerdhal, et le trop discret Alfred Boudry. Sacrées magiciennes du verbe, sacrés sorciers des mots ! Le programme complet est par-là, mais je crois qu’on dédicace le vendredi de 15 à 18, et le samedi de 14 à 19.

Et comme un cat retombe toujours sur ses pattes, j’amortis des coussinets en vous glissant que les Imaginales seront – entre autres – le moment idoine pour découvrir Djeeb l’Encharmeur, nouvelle au sommaire de la très belle anthologie du festival dirigée par Stéphanie Nicot : Magiciennes et Sorciers.

Tenez, puisque vous y tenez, je n’y tiens plus et je vous mets le début, rien que pour vous et parce que vous le valez bien.

Djeeb l’Encharmeur


À Pierre Bottero et à sa magie.

— Du vin, de la musique et des femmes ! hurla Djeeb Scoriolis en pénétrant dans la taverne, son sac de cuir passé sur l’épaule. Et faites diligence : Djeeb le Grand a faim de tout !
Dans la vaste pièce encombrée de dîneurs, le silence se fit. L’assistance se demandait si le braillard n’était pas un peu jeune et chétif pour formuler de telles exigences. Prudence des gens de peu, on attendit d’en savoir plus avant de prendre position : l’or était trop rare à Skinia pour que l’on risquât d’en laisser échapper la moindre poussière. Ici se diluaient l’Arc Côtier et sa civilisation, incarnée par des cités industrieuses comme Askarande, Armane, Clos Moresby ou même la mystérieuse Ambeliane. Les étendues presque désertes des landes de Skinia marquaient la limite intangible entre le monde connu et les confins. Un pays pauvre de tout, mais peut-être riche de possibilités pour un Djeeb qui comptait bien s’y inviter en seigneur.
— Allons, de quoi boire, manger et me réjouir les sens, vite ! Sans quoi, je déchaîne sur vos têtes et celles de vos descendants le courroux de mes imprécations ! Et tout plein de sortilèges aussi, tenez.
La voix mal assurée du jeune homme parlait à rebours de ses ambitions. Alors que deux serveuses gloussaient dans un coin sans faire un pas, un petit bonhomme, qui pouvait être le tenancier aussi bien qu’un commis de cuisine, s’approcha en claquant du torchon. Il se cambra devant Djeeb, plissa ses yeux ridés, le parcourut des pieds à la tête comme on lit une devise inepte et mal calligraphiée, puis siffla :
— Et comment comptes-tu financer tes plaisirs, va-nu-pieds, pour autant que quiconque ici s’abaisse à te servir ? Dans mon auberge, on traite mieux les payeurs que les parleurs.
Le tenancier donc, maître des lieux malgré son pied bot, sa face crochue volée à un lutin vieillissant, et sa taille aussi courte qu’épaisse. Il assura sa pose de matamore en se tournant vers la salle pour bien montrer qui était le patron, et sembla s’agacer du rire des serveuses. Djeeb lança un bref regard inquisi-teur à travers la salle, évalua ses lampes fumeuses, ses tables bancales, ses bancs grossiers, ainsi que le ramassis de paysans terreux, de vendeurs de rien et d’épaves humaines qui y usaient leurs braies, avant de conclure qu’il n’avait guère d’intérêt à sortir le grand jeu. Pourtant, il ne pouvait échapper à sa nature flamboyante. Il se pencha donc vers le patron pour lui glisser à l’oreille :
— Je pourrais m’offusquer de ta question, mais elle me paraît légitime dans ce pays de misère où un mauvais client suffit à vous faire courir à la ruine. Sache que j’ai de quoi payer, et au centuple, les rogatons que tu pourras me servir. Et je sais par avance ce qu’il te faut.
Après un nouveau coup d’oeil sur les deux filles de salle qui attendaient avec intérêt l’issue de la confrontation, Djeeb reprit : « Il se trouve que je connais quelque sort qui ferait fondre d’amour la plus belle des ondines, même pour un petit rien du tout contrefait comme toi. En veine de générosité ce soir, je me sens prêt à t’en céder la formule en échange de ce que tu auras de moins mauvais pour mon palais, mes yeux et mes oreilles. »
Lorsque le tenancier jeta lui aussi un oeil alléché vers la plus rebondie des servantes, Djeeb sut qu’il avait fait sonner la bonne monnaie. Pour finir de faire trébucher son interlocuteur, il suffisait de le libérer de ses derniers doutes. En effet, le vilain bonhomme lui demanda à voix basse, avec autant d’espoir que de soupçon, de lui prouver la qualité du sortilège.
D’un doigt autoritaire, Djeeb lui intima de ne pas bouger pendant qu’il s’approchait, tout sourire, de ses proies en jupons. Ployant la taille en une profonde révérence, il se présenta, majestueux :
— Djeeb Scoriolis, dit aussi le Grand, ou Maître des âmes, et plein d’autres superlatifs encore, connu comme gentilhomme et maître enchanteur de charme partout dans l’Arc Côtier… pour vous servir, Mesdames. Si j’en crois ce plaisant personnage – ajouta-t-il en désignant le maître resté hors d’oreille – vous allez pouvoir prendre votre soirée et profiter d’un repos bien mérité, voire vous livrer à toutes les activités plaisantes que vos coeurs ou vos corps vous dicteront. Il m’a dit se charger de votre tâche à mon endroit – ce que vous regrettez déjà peut-être – et vous souhaite la bonne nuit. Si, vraiment ! Notez bien que vous me le devez un peu. Rien d’extraordinaire : je n’ai fait usage que d’une magie modérée. Vous me remercierez plus tard…

La suite, sous cette couverture (et sous d’autres couettes)

La vraie couverture n'aura pas le logo Fantasy.fr

Des prix et des livres

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 19 avril, 2010
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Un petit mot vite fait pour vous signaler deux nouvelles.
D’une part, les Futuriales, bref festival des littératures imaginaires d’Aulnay sous Bois, viennent de communiquer la liste des sélectionnés pour le premier Prix Futuriales – Révélations 2010. La voici :
1/ David Bry – Les chroniques d’Ervalon (3 tomes parus depuis 2009) / Mnémos – 2009
2/ Franck Ferric – Les lois du désert – Editions du Riez – 2010
3/ David Khara – Les vestiges de l’aube – Rivière Blanche – 2010
4/ LiCam – Lemashtu – Griffe d’encre – 2009
5/ Jean-Philippe Delpotte – Les démons de Paris – Denoël – 2010
6/ Laurent Poujois – L’Ange Blond – Mnemos – 2010
7/ Laurent Gidon – Djeeb le chanceur – Mnemos – 2009
8/ Lionel Davoust – La volonté du dragon – Critic – 2010
9/ Thomas Geha – Le sabre de sang – Critic – 2010
10/ Xavier Bruce – Incarnations – Belial – 2009
11/ Vincent Gessler – Cygnis – L’Atalante – Science Fiction – 2010
Ce prix a ceci de particulier – en regard des nombreux autres prix de l’imaginaire – de privilégier les débutants. Ainsi qu’il est dit sur le site :

A travers cette sélection, le jury exprime sa volonté à la fois de mettre en avant de jeunes auteurs dont on présente ici les premiers romans et également de valoriser des maisons d’éditions spécialisées dans le genre.

Je trouve ça super, pas seulement parce que j’y figure avec mon Djeeb (en gros, tous ceux qui ont publié leur premier ou second livre récemment y sont), mais parce qu’il me semble bon de donner un peu de visibilité aux plumes de demain et aux maisons qui ont pris le risque de parier sur elles. On remarque à ce titre que Mnémos figure en tête au nombre d’auteurs. Alors que d’autres préfèrent ne plus travailler avec de nouveaux auteurs français, quelle qu’en soit la raison (ça te va jean-Claude ?), on voit qu’il est possible de continue à cultiver la pépinière, quitte à se faire piquer ensuite les « petits jeunes qui marchent »… dont je ne suis pas.
En plus, le titre de Révélations 2010 donne un ton enthousiaste qui manque parfois un peu au genre. Bravo donc !
Les Futuriales se dérouleront le samedi 12 juin prochain, au parc Dumont (station RER Aulnay sous Bois) de 10h00 à 19h00, avec tables rondes, conférences, rencontres dédicaces d’une trentaine d’auteurs majeurs (et vaccinés)… et j’y serai.

Autre thème, autre scène, les Moutons Electriques, éditeurs entre autres du Gagner la Guerre de Jaworski dont je me goulaye présentement, vendent une partie de leur catalogue en numérique. Les prix semblent attractifs au regard des versions papier, et les droits ont fait l’objet de contrats ad hoc avec les auteurs. Franchement, c’est ce qu’il faut sans doute pour amorcer le virage numérique : que les éditeurs s’y mettent, en partenariat avec les auteurs.
Alors on peut râler parce que Numilog n’est pas  la meilleurs plateforme, parce que le PDF n’est pas le meilleur format, parce que les fichiers sont sous DRM… mais on peut aussi féliciter ceux qui avancent même en faisant quelques erreurs et vont plus loin que ceux qui critiquent sans bouger. Heureusement, les Moutons ne sont pas les seuls.

Bref, d’une manière générale les choses ont l’air de se secouer un peu dans le milieu, lequel pourrait passer – à tort et vu de l’extérieur – pour un panier de crabes coincés dans leurs carapaces rouillées. Ou alors c’est juste que ça dégrippe. Enfin bon, chouette quoi !

L'affiche des Futuriales, par Michel Borderie

Ce que la vie…

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 14 avril, 2010
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Prenez un bon cartésien élevé au grain. Mettez-lui sous le nez les preuves de l’existence du Père Noël. Que va-t-il se passer ?
Effet 1 : le cartésien se met à croire au Père Noël.
Effet 2 : le cartésien se met à critiquer le mode de collecte des preuves, la présentation d’icelles et les conclusions tirées.

Disons que je serais plus près d’un effet 3, où le cartésien chercherait le piège tout en décidant de se tenir à carreau pour ne pas être privé des cadeaux délivrés aux enfants sages par le gros barbu en rouge. Une sorte de pari de Pascal, lequel devait être assez cartésien sous le manteau.

Ne vous inquiétez pas pour ce que j’ai fumé : la moquette n’a pas de trous. Mais il me faut reconnaître que ce que la vie vous réserve est peuplé de coïncidences qui n’en sont peut-être pas.
Malgré ma persistante propension à ne pas voir de signes là où il n’y a que des ronds dans l’eau ou des vols de corbeaux, il arrive des enchaînements de trucs qui vous font accuser le destin jaloux ou la divine providence suivant comment vous les prenez, mais plus le hasard, non, non, lequel ferait peut-être bien les choses s’il les faisait, mais il ne fout rien, c’est vous qui faites tout, faudra vous y faire.

Bon. On n’en est pas à réviser les fondamentaux – l’évolution, la relativité générale et la mécanique quantique, tout ça reste assez stable (Ha Ha !) – mais il est possible de recaler certaines notions vers le rouge ou le bleu, genre effet Doppler de la pensée.

Les idées qui s’éloignent : le rien après, le hasard, l’indépendance des événements, la méthode scientifique comme seul vecteur de vérité…
Celles qui se rapprochent : l’intrication, le quelque chose après, l’accès à l’inconnaissable (qui ne le serait plus), la révélation plutôt que la démonstration, les liens impalpables aux effets palpables…

Il n’y a rien de magique là-dedans. Quelqu’un peut-il me rappeler qui a dit « un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science en rapproche » ? Rassurez-vous, je n’ai pas vu la Vierge. Je ne suis pas en train de parler théologie, mais plutôt ouverture à certaines idées… qui, mal gérées, ouvrent c’est vrai la voie au pire de la religion parce qu’elles partagent le lit des peurs les plus noires.
Alors que non : la peur n’est pas évidente, pas systématique, pas naturelle. On peut se laisser entraîner – par empathie, curiosité, intérêt documentaire – et éprouver autre chose que la peur devant les abîmes qui s’entrouvrent. Il faut juste être bien accompagné.

À ceux qui se demanderaient de quoi je parle, je dirais juste : cherchez par vous-mêmes (depuis le temps que je voulais la placer, celle-là !), mais ne cherchez pas seuls. C’est dans le contact, dans l’échange, dans la connexion et le lien que l’on peut trouver des trucs passionnants, stimulants, conciliants, bouleversants parfois, intriguants toujours.
Le temps de la science est linéaire. Pas celui de nos mémoires, celui de nos traumatismes, et encore moins le temps des traumatismes qui ne sont pas les nôtres. Remonter, descendre, creuser, s’appuyer sur autre chose que le souvenir conscient, cela peut générer des coïncidences qui n’en sont peut-être pas. Je n’en sais rien. Avant, je disais « non, c’est pur fantasme ». Disons maintenant que le champ des possibles est plus large que mon champ visuel. Alors j’essaie de tourner la tête pour suivre ce qui se passe.

Je vous laisse, j’ai des trucs à écrire, d’autres à lire… Merci de votre attention, vous pouvez reprendre une vie normale.
On peut, mais est-ce qu’on y arrive ?

René, à quoi le Père Noël pense-t-il ?

Avancement

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 8 avril, 2010

Admettons que mon travail vous intéresse.

Cette précaution oratoire prise, voici ce sur quoi je travaille.

L’an dernier, j’avais déposé une demande de bourse d’aide à l’écriture pour un projet de roman prospectif, presque SF. Elle ne m’a pas été attribuée. Cette année, j’ai tenté à nouveau avec un projet beaucoup plus litt gén, voire carrément autofictif, dans le seul but de voir si ça marchait mieux. La bourse m’a été attribuée. Ce qui m’oblige à poursuivre le truc jusqu’à publication.
Oblige n’est pas une formule : j’ai besoin de cet argent ET ce projet est difficile à mener. Il s’écrit au jours le jour, non pas dans la douleur, mais en creusant dans les douleurs. Recherches sur les causes multiples du suicide de mon père, parallèle avec mes propres efforts pour ne pas suivre le même chemin, extension du domaine de la mémoire en interrogeant des proches ou lointains. Je cherche, je parle, je pense, je rêve, j’écris. J’aime ça, mais je ne le voyais pas comme « publiable », plutôt un test envers l’institution régionale. On me paye pour finir, alors que ce truc ne devrait pas avoir de fin. J’avance quand même. Le titre original sonnait comme … et ne pas s’en sortir. Je l’ai récemment changé en Un jour, ça vient.

Le deuxième roman avec Djeeb Scoriolis est achevé et corrigé en collaboration avec Hélène Ramdani. J’attends les remarques du correcteur pro pour donner le dernier coup de fer. Mnémos prévoit la sortie en juin prochain, avec peut-être mise à disposition anticipée pour les Imaginales. Bref, tout semble aller pour le mieux, y a qu’à continuer.
Mais : Djeeb le Chanceur n’est pas considéré chez Mnémos comme un succès suffisant. Djeeb l’Encourseur étant trop engagé pour reculer, il paraîtra. Pour un autre Djeeb, rien n’est moins sûr. Cela dépendra des chiffres, et cela m’échappe totalement (je ne veux pas dire que je ne comprends rien aux chiffres, mais que je ne peux rien y faire). J’ai quand même mis en chantier un Djeeb 3 et un Djeeb 4. Conseil pris auprès d’Hélène, le projet 3 doit passer d’abord. Il opère un retour en arrière et raconte les aventures d’un Djeeb plus jeune, au-delà des Confins. Le processus d’écriture est très différent des deux précédents romans, écrits nez au vent.
J’avais écrit une grosse nouvelle à base de Djeeb pour une anthologie. Elle passait déjà les 60 000 caractères quand j’ai relu la commande, laquelle limitait les textes à 30 000. Je me suis arrêté, avant même de traiter la chute, mais c’est cette trame que je reprends maintenant. L’histoire est déjà donc posée, et le travail consiste à développer les lieux, creuser les personnages, placer des intrigues parallèles, travailler un fin qui ne soit pas une chute mais une ouverture. C’est intéressant, je prends mon temps. Tant pis si le manque de succès confine tout ça dans un carton. Djeeb était devenu pour moi un projet d’élargissement du scope : chaque roman raconte une histoire indépendante, mais l’ensemble ouvre un regard de plus en plus large sur l’univers alentour. Si les parutions cessent, je peux raconter le truc à qui le demande.
Une chose est sûre : en termes de promotion, je ne ferai rien d’autre que me présenter aux dédicaces que l’on me proposera et répondre aux questions qu’on me posera. Histoire de voir si l’abstention gagne ici aussi.

Aria des Brumes n’est quasiment plus disponible. Je crois que Fred d’O’Merveilles détient les derniers exemplaires. J’aurais dû en avoir, mais il paraît que La Poste a perdu le carton avant de me le livrer. J’espère que les agents du tri apprécieront la lecture…
La suite que j’ai écrite ne sera pas publiée chez Le Navire, puisqu’il n’y a plus de navire et c’est triste pour Hélène. J’ai prêté le manuscrit à quelques amis lecteurs qui l’ont trouvé très bien, mais ce sont des amis. J’ai aussi envoyé le fichier à des contacts lointains, qui l’ont lu ou pas, mais ne m’en ont rien dit. D’ailleurs, si quelqu’un le veut, il n’y a qu’à demander.
J’ai commencé l’écriture du tome 3, titré Le Chant sombre. D’abord parce que je n’aime pas laisser des trucs pas finis. Ensuite parce que j’ai une tendresse pour l’univers de mon premier roman, pour ses personnages, pour les possibilités de scénario à exploiter. Enfin parce qu’il me faut un projet à long terme, sans urgence, pour tapoter les jours où je n’ai pas envie de faire autre chose. Donc j’y travaille, détendu, et je chercherai un éditeur quand la trilogie me satisfera.

J’ai mis tout le reste en attente. Presque en sommeil. Il m’arrive de m’endormir en cherchant une méthode de meurtre accidentel pour un polar montagnard que j’ai commencé. Ou j’écris dix lignes d’un roman litt gén qui avance au rythme ébouriffant d’une page par an. Ou je note un truc pour reprendre le projet prospectif qui n’a pas reçu de bourse l’an dernier.

Et je lis plus qu’avant. Merci aux auteurs qui me font ces plaisirs.

C’est pour un conseil…

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 6 avril, 2010
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No promo !

Il y a quelques semaines, un article signé ma pomme paraissait sur le site d’Elbakin (les gentils gens que j’avais un peu rencontrés à Grenoble). Le papier parlait d’auto-promotion, de mes efforts et de mes bourdes. L’essentiel étant bien flingué à l’auto-dérision, et gentiment promotionnel pour Blaguàparts. Mais je n’y ai pas tout dit. Parce qu’il y a des trucs qui ne se disent pas.
Maintenant que le livre est sorti, petit addendum sur ce qu’il faut dire et surtout ne pas dire quand on est un auteur débutant (comme moi) ou qu’on voudrait le devenir..

En fait non. Je coupe. Pas d’addendum ni de conseils aux débutants.
J’avais écrit tout un tas de trucs hilarants sur le mode « Ne parlez pas d’argent, jamais, c’est sale ! », « Ne félicitez personne, c’est le costume de lèche-cul assuré… », ou « Ne dites pas Bragelonne ou Werber, c’est des gros mots pour tout le monde… ». Ouais, de très bons conseils, mais je ne vais pas vous les donner.

Pas parce que vous ne les méritez pas, chers amis débutants ou wanabes, mais parce qu’il vont à l’encontre du premier conseil, le conseil de base, le seul qui vaille : « Quand vous avez envie de l’ouvrir, fermez-la ! »
Alors on ferme. Fin de l’auto-promo, débrouillez-vous tout seuls.

Ouvrons plutôt la boîte à envies.
J’ai commencé à lire Gagner la Guerre, de Jean-Philippe Jaworski. Je ne sais pas si c’est un bon livre ou pas, je m’en fous, ne me faites pas caguer avec des suspicions de langue baveuse : tout ce que je sais, c’est que je prends plaisir à ce que je lis.
Alors, pour reprendre le plaisir à sa source, je me suis acheté Janua vera, recueil du même Jaworski. On y trouve un texte décrivant une aventure antérieure de Don Benvenuto Gesufal, narrateur de Gagner la Guerre.
Et j’ai bien fait. Cela permet de mieux cerner le personnage et de goûter d’une langue plus affûtée les détours de sa pensée.
Je poursuis ma lecture avec une gourmandise sereine. Il me faudra encore un bon mois pour venir au bout. En ce qui me concerne, c’est un mois de gagné.
Et si ça vous fait envie, je vous le prête quand je l’aurai fini.

Editions des Moutons Electriques

Janua Vera, dans la très belle édition originale

La Ligue des Critiques Extraordinaires

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 1 avril, 2010

Ouf, on en était à désespérer de la vie, de l’univers et tout le reste, mais ils l’ont fait.

En réponse à mes questions vibrantes, et peut-être un peu à l’injonction de Bernard Werber, 42 journalistes et chroniqueurs littéraires viennent de créer la Ligue des Critiques Extraordinaires.

Tout comme la Ligue de l’Imaginaire (vous connaissez, pas besoin de lien) et dans la droite ligne de la Ligue deu, ces nouveaux chevaliers de la presse écrite, audio et visuelle – parmi lesquels on compte Nathalie Crom et Michel Abescat de Télérama, François Busnel de Lire et La grande Librairie, Hubert Artus de rue 89, Eric Nolleau de chez Eric Nolleau – ont pris l’engagement collectif de donner leur pleine place aux littératures de l’imaginaire dans leurs médias respectifs.

C’est bien. Mais ne chantons pas victoire trop vite.
Certes, cette accession des mauvais genres à un appareil médiatique qui les ignorait vertueusement jusqu’ici est une bonne chose. En contrepartie, il faudra s’y soumettre à un appareil critique plus habitué à casser du Angot ou encenser du Quignard qu’à partir sans a priori vers les horizons lointains arpentés par Banks, Jaworski, Dufour, Wagner ou Duncan.
Foin de légitimité ! On saura enfin ce que vaut cette sous littérature à l’aune garmanopratine. Et je caresse l’espoir que les pures daubes qui encombrent les rayons SF avec autant d’épaisseur que les indigestions nombrilistes ou Jacq-Mussesques dans les autres gondoles (ne parlons pas de tête) se feront étriller à juste mesure de leur inutilité.

Merci aux 42, allez-y flamberge au vent, taillez et adoubez, car nous le valons bien.

Essai de costume pour les Chevaliers à Plume de la Ligue des Critiques Extraordinaires