Comme ça s'écrit…


Because of You

Posted in Admiration,Réflexitude par Laurent Gidon sur 3 novembre, 2023

Une nouvelle chanson des Beatles – la dernière sans doute – vient de sortir.
Au-delà du caractère événementiel de l’info, de la prouesse technique réalisée, ce qui me touche c’est la date.
Bousculés par l’agenda israélo-palestinien, lui-même secoué par la tempête Ciaran, les médias n’arrivent plus à rendre compte de la guerre en Ukraine et encore moins des soubresauts environnementaux, judiciaires, policiers, financiers, moraux, des petits gars qui nous gouvernent ou aimeraient tant nous gouverner.
Et c’est pourtant maintenant, au cœur de cette période (que chacun peut colorer de sa propre nuance de noir) que Paul et Ringo ont décidé de sortir leur petite chanson.

Il n’y avait pas d’urgence.
John, à l’origine du morceau, est quand même mort depuis plus de 40 ans.
George, qui a payé son écot en guitare rythmique, l’a suivi depuis plus de 20 ans.
Peter Jackson lui-même (rassurez-vous, il n’est pas mort) a traité la cassette de John pour en isoler son chant voici au moins 4 ans, parallèlement à son documentaire Get Back.
Bref, on aurait pu attendre encore un peu, voir comment les choses se tassent sur les multiples champs de bataille qui se poussent du coude pour occuper l’espace médiatique, mais non : « Allez, Ringo, a dit Paul, on y va, on la sort quand même, ça ne peut pas leur faire de mal. »

Du haut de ma petite passion pour la musique en général, et pour celle des Beatles en particulier, je leur dis merci.
Merci de nous montrer aujourd’hui qu’il est possible de mettre toute son énergie, toutes ses tripes, toute sa haute technologie, non pour tuer son prochain ou faire valoir ses droits, mais pour partager quelque chose de beau qui touche. Je ne suis pas naïf, il y a certainement des sous à la clé, mais quand même, c’est beau et ça touche.
Merci de nous témoigner aujourd’hui, surtout aujourd’hui, qu’être humain c’est aussi se montrer capable de ça. Ressusciter deux morts, rendre leurs voix audibles, les accompagner dans leur long chemin jusqu’à nos oreilles.
Merci de nous rappeler que dans le marigot puant de nos vilenies surnagent quelques fleurs en boutons qu’un peu de talent et de pugnacité font éclore.

L’émotion qui m’a étreint en voyant, dans le mini-doc sur la fabrication du morceau, Paul, George et Ringo écouter la petite chanson de leur vieux copain mort sur une cassette crachotante, n’est pas étrangère à celle que j’éprouve en apprenant telle explosion, tel massacre, telle tempête.
Ils sont à la fois tristes et nostalgiques, ces trois musiciens, mesurant à la fois leur perte et l’intensité du bonheur qu’ils ont partagé, la puissance de ce qu’ils ont créé. Quelques notes sauvées, pour cœurs déchirés.
Tout cela, c’est de l’humain. On ne choisit pas. On prend, c’est comme ça.

Merci donc, quand le désespoir monte ses embuscades, de nous rappeler qu’il y a cela aussi en nous, un peu de Beatles (ou de Stones, si vous y tenez), de Van Gogh, de Franquin, de Vinci (pas les autoroutes, merci), de Mozart ou de Michel-Ange (ajoutez qui vous voulez.
C’est là, en nous et autour, dans des sourires de gamins et des larmes d’anciens, jamais loin de la surface.
Merci, John, Paul, George, Ringo et tous les autres, merci aussi à ceux qui savent écouter, regarder, aimer, par-dessus tout.


En ce moment je lis Timika, western papou, de Nicolas Rouillé aux excellentes éditions Anacharsis.

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