Comme ça s'écrit…


Et si c’était encore vrai…

Posted in Lecture par Laurent Gidon sur 8 juillet, 2008
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J’avoue, j’ai lu un livre de Marc Levy. Je viens même de le finir, et ce n’est pas vous faire injure que de vous en parler.

Il est de bon ton, ici ou là, de dire pis que prendre de cet auteur que le succès déclasse. Moi-même, il m’est arrivé de trouver un peu facile son écriture, et un peu tarte ses histoires.
J’avais lu « Et si c’était vrai ? » sans le moindre a priori, et en était ressorti ébranlé, mais plus par le battage fait autour que par le contenu. Une banale histoire de fantôme dans le placard comme j’avais l’impression d’en avoir vu, lu ou entendu depuis Mme. Muir ou même avant.
À l’occasion, j’avais tenté d’en lire un autre, une histoire de compétition entre ange et démon, sans pouvoir dépasser le quatrième chapitre, le temps étant trop précieux.

Et puis on m’offre « Les enfants de la liberté ». Dès le titre, ça me semblait être du pur Levy, resucée de vieilles cuves selon l’adage publicitaire « bien lavé c’est comme neuf ».
Les première pages ne m’ont pas détrompé : éternelles histoires de résistants repeintes à coups de grands sentiments transgénérationnels et d’efficacité narrative calibrée au micron. Mais une cloche me carillonnait dans le fond de l’oreille en parcourant ces pages et ces pages de suspens attendus, d’espoirs entretenus puis brisés, avec longs violons sanglotants, blessures de cœurs et langueurs monotones ; une cloche qui me titillait « et si c’était vrai ? ».

Et toc, pas loupé, c’est du vrai. Du mieux que vrai, puisque – on l’apprend à la fin – ces enfants de la liberté ne sont autres que papa et tonton Levy et tous leurs copains des FTP-MOI de Toulouse, combattants et morts atrocement pour la plupart, comme décrit dans le livre, pour notre liberté d’hier à aujourd’hui. Et vous savez quoi ? Ça marche !

Je remercie donc Messieurs Levy père et oncle d’avoir souffert pour libérer mon pays, et je remercie M. Levy fils pour avoir su me raconter leur histoire en y mettant sa technique, son talent(si !), et surtout sa célébrité.

Oui, c’est bien la célébrité du Marc qui compte ici.

Car, peut-on se demander, pourquoi Marc Levy a-t-il pris sa plume pour nous conter cette histoire qui a déjà été moulte fois contée par ailleurs, et par des voix sacrément autorisées puisque son père et son oncle eux-mêmes ont déjà écrit plusieurs livres sur le sujet, et ils ne sont pas les seuls, loin de là. Hein, pourquoi en remettre une couche, M. Levy fils ?

Pour que cette histoire vraie arrive enfin jusqu’à nous par la magie du saint marketing éditorial.

Parce qu’autrement nous (ceux qui comme moi ne sont pas férus de traité et témoignages quasi confidentiels qui se publient encore là-dessus) ne l’aurions pas lu et n’en aurions rien su. Une sorte d’effet « Sac de Billes » ou « Journal d’Anne Franck » qui permet de faire remonter dans les esprits et les cœurs un passé si facile à laisser de côté.

C’est un pari sur l’étiquette « Levy », et c’est évident quand on y pense.
Ni vous ni moi, ni encore moins la mémère en bikini débordant qui se fait frire sur la plage ou le quadra pressé dans le RER vespéral, n’aurait croisé cette histoire si elle n’était pas signée Marc Levy (plus gros que le titre sur la couverture, un détail qui ne trompe pas). Marc Levy, c’est la porte d’entrée qui rouvre la mémoire de la Résistance bien mieux qu’un Président entremetteur voulant maquer nos chères têtes blondes à des fantômes.

Il savait bien, le succesfull Marc, qu’en reprenant à son compte les vies de ces hommes, lui qui vend à la tonne tout ce qu’il écrit, il leur redonnerait la lumière qu’elles méritent. Alors il est allé au charbon, à sa manière, celle qui marche et qui fait vendre. Un peu comme si Spielberg disait à Tarkovsky « Attends, ton film est génial, mais t’es russe, t’es intello, personne ne va se déplacer pour le voir, alors que si je le mouline à ma façon, toutes tes belles idées sur la vie, l’univers et tout le reste vont enfin toucher le grand public par le bon bout, OK ? »

OK.

Le succès, ce n’est pas tant de l’atteindre qui compte. C’est savoir ce qu’on en fait après. Je crois que Marc Levy a donné sa réponse. Papa Levy peut-être fier, tonton aussi.

2 Réponses to 'Et si c’était encore vrai…'

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  1. frehelle said,

    Ta thèse se défend. Tout comme, à mon sens, se défendrait la thèse inverse. J’ai lu « Et si c’était vrai », que j’avais trouvé plutôt touchant. J’ai lu aussi l’histoire de concours à la con entre une ange et un démon, je ne me rappelle plus du titre. Et ça m’a suffisamment gonflée pour ne plus y revenir. Ah si, un petit remord, un petit doute, j’ai lu la suite de « et si c’était vrai ». Qui m’a définitivement mis d’accord avec moi-même: Lévy, même rayon que Dan brown: pas pour moi. Je n’ai pas de mépris pour ceux qui lisent ces livres, je pense que s’ils y trouvent leur compte, ils ont bien raison. Moi je n’y trouve pas le mien, donc je lis autre chose.

    Maintenant, si j’écoute autour de moi les copains qui aiment ces livres, j’en retiens quand même principalement l’idée que c’est « sympa », « pas fatiguant », « agréable à lire », j’en passe et des meilleures sur le versant « c’est pur divertissement ». En ce cas, est-on réceptif à cette petite explication fournie à la fin du livre? Ou en tout cas, l’est-on assez?

    C’est une question que je me pose, je précise. Je ne prends pas les lecteurs de Lévy pour des crétins, très loin s’en faut. Je sais juste, en ce qui me concerne, que quand je suis dans un trip « divertissement », je ne repasse pas si facilement sur le versant « sérieux et réflexion ». Je dois manquer un peu de flexibilité. Mais je pense que ce genre de chose aurait sur moi l’effet de « ah oui, ça a été bien malheureux » sans plus, voire que ça aurait pu m’énerver un peu que l’on me force au mélange des genre. Et auquel cas, quand je suis énervée, j’ai plutôt tendance à mettre à distance l’info qu’à la recevoir pleinement.

    Voilà. En gros, et pour résumer, ce procédé aurait pu, sur moi (je pense), avoir l’effet parfaitement inverse de celui voulu par l’auteur. Mais ça ne lui retirait en rien le « droit », of course, de procéder ainsi. Et pour moi que ça n’aurait pas touchée, d’autres l’ont sans doute été.

    Ce n’est que mon humble avis, qui ne vaut pas grand chose, et je ne suis même pas sûre qu’il soit clair. Pfuh, faut dire, aussi, il fait pas beau, ça embrume l’esprit.

  2. Don Lorenjy said,

    Ma thèse était juste que « Marc Levy a utilisé sa célébrité pour redonner de l’audience à une histoire vraie, déjà connue, mais facilement oubliée ».
    Après, qu’on se sente piégé par la révélation « c’était Papa ! » à la fin, je ne crois pas. Tout le livre est cadencé sur le mode pathos action/espoir/échec/désespoir que manie si bien l’auteur. Il n’y a pas de truande sur le genre, et la révélation finale n’est qu’une cerise dégoulinante sur ce lourd gâteau.
    Mais comme je disais, ça marche et l’auteur n’a pas à rougir : ça se lit facile, ça maintient l’intérêt sans faiblir, ça cogne au coeur ou aux tripes quand il faut. Du blockbuster bien calibré pour toucher le public le plus large. Dont acte.


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