Comme ça s'écrit…


La chose est une fille

Posted in Non classé par Laurent Gidon sur 5 juillet, 2010
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C’est peut-être à cause de mes lectures du moment. Chroniques d’un rêve enclavé, de Ayerdahl, notamment. Mais aussi les journaux en papier ou en ligne.
C’est peut-être aussi parce que mes oreilles sifflent, de tout ce bruit autant que des causes de ce bruit.
C’est peut-être à cause de la vieillerie qui finit par me rendre un peu adulte malgré toutes mes résistances.
Bref, c’est à cause de nous tous, et je pense que c’est une sacrée bonne cause.

Le tambour médiatique brasse le tout et le rien comme une machine à laver la pensée. Effet de sidération et d’indignation réflexe, vite chassée par la prochaine sidération : prévarication, grève de nababalleurs, prise illégale d’intérêt, procès, canicule et loi ad hoc… ça s’enchaîne dans le tamtam sans rime ni raison. On perd toute distance, toute pensée.
Heureusement, d’autres pensent pour nous. Simone Veil et Michel Rocard mettent même cette pensée en mots et en ligne pour nous inviter à cesser de crier et reprendre le contrôle sur nos neurones.
Ils ont un peu raison sur la forme. Mais sur le fond… que nous proposent-ils, sinon une pensée dépouillée des indignations face à l’intolérable, pour que justement nous puissions persévérer dans la tolérance. Et tolérance de quoi ? De ce qui ne devrait pas être toléré, justement.

Ils en appellent à la république et nous refont le coup de l’étymologie. Oui, res publica, c’est la chose publique. Mais notre république, prise de force ou consentante, n’est plus que la fille publique d’une bande organisée. Très organisée, au point que son organisation s’est dissoute dans une quasi génétique de la domination, sans qu’il soit besoin d’y poser la moindre règle.

Et je rejoins Ayerdahl (sauf si je l’ai mal compris). Notre république, notre démocratie, ne sont plus que les masques d’un féodalisme dont l’humanité ne se sortira pas par le haut.
Tant qu’on accepte que certains gagnent ce que d’autres perdent, tant qu’on estime la valeur d’un homme à son apport et non à son être, tant qu’on sépare le bon grain de l’ivraie, on baise la république. Et comme toute pute, on la paye. Cher.
Et souvent sans s’en rendre compte. Là où la république de Veil, de Rocard, des gouvernants ou du care (quelle connerie, comme s’il n’y avait pas de mot français !) est plus maligne que nous, c’est quand elle nous fait croire que le prix payé en infantilisation est en fait le bienfait absolu que l’on attendait d’elle. Bullshit ! (moi aussi, je sais dire des conneries en anglais)

Devenir adulte, c’est peut-être aussi reconnaître chez l’autre sa part d’adulte. L’écouter s’il parle, l’aider même s’il ne demande pas, et surtout penser qu’on peut lui faire confiance, sans loi ni police, pour être humain.

28 Réponses to 'La chose est une fille'

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  1. Bah, rien à rajouter.. seulement que sans solution autre que de la rhétorique des politiques de tout bord, et d’un effet assez minable de la démocratie (oui oui, je n’ai qu’a aller voir ailleurs si c’est mieux, je sais), pour vivre au jour le jour… il faut accepter… dur a dire… harf

    • Don Lorenjy said,

      Pas de solution toute faite à mon avis. Ce serait justement le piège d’une normalisation à éviter.
      Mais chacun peut commencer à voir l’autre comme un semblable sans faire systématiquement entrer l’institution dans l’interaction (= ne pas compter sur l’état, les lois, les règles ou la police pour normaliser la relation)

      • Oph said,

        Ben, chais pas… J’ai toujours vu les gens comme ça, moi.
        Et puis j’ai souvent l’impression que le monde me donne tort, parce que voir la personne d’en face comme un être humain potentiellement égal plutôt que comme un instrument, c’est se faire avoir dans les grandes largeurs plus souvent qu’à son tour.

      • Don Lorenjy said,

        « Se faire avoir », c’est juste une erreur d’attribution. On peut aussi décider de ce qu’on est prêt à perdre (du temps, des sous…) pour rester soi-même. Ce n’est plus une perte, c’est un placement en estime de soi.

      • Oph said,

        Ou de la bonnepoiritude.
        Ceci étant, si j’avais estimé que c’était mal de se conduire bien, j’aurais arrêté depuis longtemps… je crois.

      • Don Lorenjy said,

        Continue, l’abnégation te va bien 😉


  2. « et surtout penser qu’on peut lui faire confiance, sans loi ni police, pour être humain. »
    Tu serais pas un peu anarchiste sur les bords ?
    200% d’accord avec toi ! (oui, je sais, ça ne se peut pas, c’est juste pour dire que je suis très beaucoup d’accord avec toi !)
    Le seul soucis de l’anarchisme (pas anarchie, qui a, AMHA, une trop grande connotation violente), c’est que tout le monde doit être d’accord pour le mettre en place. Et ça, désolé, mais ce n’est pas gagné…

    A.C. de Haenne

    • Don Lorenjy said,

      Pas besoin de mettre les gens d’accord. ça voudrait dire les convaincre, et c’est déjà une manipulation. Quitte à manipuler, autant éduquer et montrer où est l’intérêt à long terme. Mais ça prend du temps. Moins si on si met à beaucoup.


  3. Oui, mille fois oui sur l’ensemble, sur la nécessité d’une autodéfense intellectuelle, de dépasser la pensée en boîte. Je crois que c’est Chomsky qui explique très bien qu’une démocratie n’a surtout pas intérêt à encourager l’esprit critique chez ses citoyens.

    En revanche:

    l’aider même s’il ne demande pas,

    Ca dépend. On n’aide pas quelqu’un contre son gré. Ca ne fonctionne pas.

    et surtout penser qu’on peut lui faire confiance, sans loi ni police, pour être humain.

    A titre personnel? Oui.
    Comme projet de société? Certainement pas. Même si j’aimerais bien.

    • Don Lorenjy said,

      Mmmh… pour avoir vécu la précarité honteuse, celle où l’on vit sur son acquis (voiture, maison) sans avoir de quoi payer la bouffe, je sais que le plus dur est souvent de demander. pas demander ce à quoi on pense avoir droit – il suffit de faire la queue aux alloc pour voir que ça ne pose aucun problème – mais juste ce qui ferait la différence entre la simple mouise et la survie. C’est cette aide-là, qui peut être naturelle et se payer en nature (pas de sous-entendu grivois, mais un coup de main pour gérer les enfants, les sortir, faire des courses…) et en mots dont je parle.

      Quand au projet de société sans loi ni police, c’est à mon avis le seul qui vaille à long terme.


      • Mouiiii. Bon, on ne met pas exactement les mêmes connotations sur les mêmes termes, je parlais plus d’aide psychologique. Je connais la précarité dont tu parles pour l’avoir traversée aussi et, pour ma part, j’ai mis un point d’honneur à m’en sortir sans rien demander à personne – et même ne rien dire. C’était ma situation, c’était à moi de gérer.

        Il est terriblement facile de maintenir aussi les gens dans un état de victimisation sous couvert d’aide. Cf le proverbe de celui à qui on file un poisson ou à qui l’on apprend à pêcher. Le projet de société, pour moi, c’est le deuxième. Qu’on n’aide plus les gens, les pauvres, mais qu’on les rende capable de s’aider eux-mêmes. Qu’on en fasse des combattants de l’existence prêts à prendre leur destin en main.

        Quand au projet de société sans loi ni police, c’est à mon avis le seul qui vaille à long terme.

        Okay, je ne vais pas être politiquement correct mais tant pis: pour cela, il faudrait que l’espèce humaine ne soit plus l’espèce humaine.

        Sans entrer dans le rôle de la contrainte comme moteur (ne serait-ce que de création!), l’expérience montre tristement que l’être humain, livré à lui-même ou, pire, à une autorité qui lui permet de se défausser (cf expérience de Milgram) n’a pas le sens moral qu’on espère.

        Toute communauté, même virtuelle, même réduite, développe automatiquement les règles qui la protège de la déviance, nuisible ou non. Si tu veux rentrer dans mon association, tu paies la cotisation et tu ne tapes pas tes camarades. Toute entente sociale est obligatoirement basée sur des règles, tacites ou non. Mëme l’anarchisme ne saurait s’en défaire.

        Et c’est le rôle fondateur de l’identité. Bien vécue, elle entraîne l’échange, l’enrichissement et la progression de tous; imposée, elle devient un danger. Je ne dis pas qu’il faut réagir en envoyant direct les SCUDs, mais l’absence de loi suppose l’absence de toute menace. Or, homo homini lupus est.

        Je continue dans le politiquement incorrect: de plus, certains ont besoin de règles, de modèles, et se refusent à la réflexion responsable parce que ça les emmerde. Et c’est leur droit. Sans compter qu’on ne peut pas être spécialiste de tout et qu’il faut bien déléguer à un moment une partie de son libre arbitre (en tout cas à l’échelle d’une société occidentale moyenne).

        (Ce ne serait pas un problème si ceux qui conduisent cette réflexion ne confisquaient pas l’autorité à leurs fins propres…)

        Comment ces règles sont implémentées, quel est leur but réel, comment elles sont détournées au profit d’un petit nombre, ce qui constitue le cas le plus odieux d’abus de confiance que je puisse imaginer, voilà le projet de société que j’aimerais déjà commencer par voir.

        (Whew, j’aurais dû faire un trackback, plutôt. Je m’en vais le faire, tiens, si ça t’ennuie pas.)


      • (Je voulais dire: « qu’on n’aide plus les pauvres gens », pas les gens pris comme des pauvres, ce que l’ordre des mots pouvait laisser entendre. 🙂 Bref, qu’on les arme face à l’existence.)


      • Tracback ici: http://lioneldavoust.com/2010/07/de-la-necessite-des-crs/

      • Don Lorenjy said,

        Merci pour le trackback : ton article est long et riche. le temps de lire, et je te dis ce que j’en pense.
        Il faudrait aussi demander son avis à Yal, non ?


      • On peut mais on la discussion n’a plus grand-chose à voir avec le bouquin là, j’ai juste réagi sur ta dernière phrase 🙂

      • Don Lorenjy said,

        Oui, oui, on est bien d’accord.
        C’est juste que Yal me semble avoir bien réfléchi à la question : Parleur a tout du livre programme donnant les résultats de ses réflexions.

    • Don Lorenjy said,

      « Il est terriblement facile de maintenir aussi les gens dans un état de victimisation sous couvert d’aide.  »
      C’est là que nous divergeons un peu : tu parles d’aide et de victimisation, alors que je pense « faire ensemble » ce qui ne peut de toute façon se faire seul. L’individualisme est un leurre, induit par une pensée de la dominance, qui dit « soyez parmi les forts, sortez-vous en par vous-mêmes ». Seul, on ne fait rien.

      « Toute entente sociale est obligatoirement basée sur des règles, tacites ou non. Mëme l’anarchisme ne saurait s’en défaire. »
      Oui aussi, mais pour moi la seule règle qui vaille c’est celle du respect accordé à l’autre. Le même respect que l’on s’accorde à soi-même. Le passé nous prouve que, si l’on préfère risquer de prendre des coups plutôt qu’en donner, on perd. C’est vrai. mais c’est l’avenir qui m’intéresse. Comment peut-on se respecter et respecter l’autre, sans prendre des coups ni en donner ? D’abord en s’interdisant d’en donner.


      • L’individualisme est un leurre, induit par une pensée de la dominance, qui dit « soyez parmi les forts, sortez-vous en par vous-mêmes ».

        Mais la pensée de dominance, c’est comme le feu ou l’atome ! On peut se chauffer avec ou brûler des gens. C’est la volonté de dominance qui a permis à l’homme de progresser, de voler, d’atteindre les étoiles. Mal employée, elle entraîne des tragédies. Je n’adhère pas à la négation de celle-ci comme moteur d’action – filtré ensuite par la conscience sociale de l’individu, bien évidemment.

        Comment peut-on se respecter et respecter l’autre, sans prendre des coups ni en donner ? D’abord en s’interdisant d’en donner.

        Je pense que les grands principes en morale ne conduisent qu’à des catastrophes ou à des erreurs; S’interdire d’en donner à celui qui n’a rien fait, oui, bien sûr. Mais tendre l’autre joue? Non.

        L’idée fonctionnerait éventuellement si l’on pouvait transmuter toute l’humanité d’un coup et qu’on dise « à partir de maintenant, on arrête de se battre ». C’est impossible. Prenons l’exemple d’Avatar (ou des Indiens d’Amérique, ou des Tibétains): que doivent-ils faire face à une volonté de conquête unilatérale et univoque? Certes, l’envahisseur n’aurait pas dû envahir, mais ce n’est pas le cas: n’a-t-on pas le droit de se battre pour se protéger dans un cas pareil?

      • Don Lorenjy said,

        Le fait que la pensée de dominance soit le seul moteur d’innovation et d’avancée est assez contesté. Pour preuve, chez pas mal d’espèces animales le progrès et l’évolution sont introduits par les mères, qui de plus savent les transmettre.
        On sait depuis longtemps que « Le futur est femme« , on ne fait que l’oublier, ou vouloir l’oublier. La domination devrait céder devant la transmission.

        Quant à tendre l’autre joue, il n’en est heureusement pas question. Décourager une agression en montrant son inutilité est plus efficace, il me semble. D’autant que, d’Avatar aux Tibétains, on voit bien que la résistance par la lutte ne fonctionne pas non plus : le fort reste fort et le faible, même couvert de justifications, continue de se prendre des coups (Avatar 2 devrait voir le grand retour des Terriens, avec encore plus d’armes).
        Après, il doit y avoir plusieurs moyens de décourager une agression. Je ne les connais pas tous.


      • Pour preuve, chez pas mal d’espèces animales le progrès et l’évolution sont introduits par les mères, qui de plus savent les transmettre.

        C’est limite anthropomorphique 🙂 Mais admettons.

        Comment évolue-t-on et progresse-t-on? L’animal est-il donc dans la possibilité de ne jamais affronter de congénère, de ne jamais manger de proie, en un sens, de ne jamais appliquer sa volonté à son environnement et d’en triompher?

        Mais surtout: quel est le but et le processus de cette évolution? Dans le monde animal, c’est l’augmentation du succès reproducteur (fitness), d’une sélection de gènes sur d’autres. Voir le gène égoïste de Dawkins. On ne fait pas plus compétitif que ça (‘les individus sont des artifices inventés par les gènes » – à ne pas prendre au premier degré bien sûr).

        La « culture » (si l’on peut employer le terme) animale donne par ailleurs un avantage évolutif sur les autres qui ne l’ont pas…

        Ce qui différencie l’être humain de l’animal, c’est sa « conscience », laquelle lui permet de
        – Modérer un avantage évolutif dont il pourrait avoir besoin quand même au profit d’un tiers (= solidarité, positif)
        – Maximiser l’avantage sans rime ni raison au-delà du nécessaire (= oppression, négatif)
        Les deux étant absents du monde animal (surtout le deuxième à vrai dire).

        La dominance, au sens le plus profond, est l’affirmation de l’être. Chez l’être humain, se dominer soi-même, triompher de ses noirs penchants, est une victoire solaire. Dominer les autres dans une société civilisée est en revanche inacceptable, bien évidemment.

        Décourager une agression en montrant son inutilité est plus efficace, il me semble.

        Quels sont ces moyens dont tu parles? (à l’échelle d’une population, j’entends)

      • Don Lorenjy said,

        Mais surtout: quel est le but et le processus de cette évolution?

        Doit-il y avoir un but (ou pire, un intelligent design)? D’un point de vue génétique, il semble n’y avoir que le hasard. Du point de vue d’une espèce, le but serait de se prolonger et mieux répondre aux conditions extérieures, mais je ne vois pas là un but, plutôt un système de rétroactions. Pour un individu, le but sera toujours le plaisir (le plaisir d’une bactérie est discutable, mais on peut dire que se nourrir et se reproduire efficacement lui servent de moteur). Une guenon qui lave ses fruits dans l’eau de mer les trouve meilleurs (sel) et apprends à ses enfants à faire de même, alors que les mâles se courent après et se frappent la poitrine dans les arbres. C’est cette évolution-là, fondée sur le temps que l’on est capable de consacrer au plaisir et à sa transmission, que je pense être du domaine féminin plus que masculin. Sans anthropomorphisme exagéré, mais il faut bien l’admettre, en la cherchant chez des animaux dont nous pouvons comprendre les motivations.
        De même, il n’est pas question de moraliser la chasse dans cette approche, mais d’équilibrer les relations entre individus d’une même espèce, ainsi que les relations entre espèces dépendantes.

        La dominance, au sens le plus profond, est l’affirmation de l’être.

        C’est très philosophique, mais est-ce vrai pour autant ? Se dominer ou dominer l’autre ne me semble être qu’une même approche, très mécaniste. Être en lien avec l’autre et le monde peut donner un autre but, une autre vision, une affirmation de soi dans la relation à l’ensemble, et non dans l’extraction. C’est une autre philosophie, pas forcément plus vraie, mais que tu partages sans doute puisque tu poursuis cette discussion 😉

        Quant aux moyens collectifs de décourager l’agression, ils sont expérimentés depuis pas mal de temps par toutes les démarches de non-violence. L’histoire montre que ce sont les seules efficaces à long terme, mais aussi que ce sont les plus fragiles à court terme.


      • Doit-il y avoir un but (ou pire, un intelligent design)?

        J’ai fait du finalisme, le péché capital de l’évolution: autant pour moi.
        L’évolution génétique est bien fondée sur le hasard, mais ce qui retient et rejette les innovations des caractères, c’est la pression du milieu, donc une forme de compétition – la « survie du plus apte ». (Mais donc oui, des rétroactions.)

        C’est cette évolution-là, fondée sur le temps que l’on est capable de consacrer au plaisir et à sa transmission, que je pense être du domaine féminin plus que masculin.

        Cette dichotomie des sexes, le masculin représentant la compétition violente et le féminin la transmission positive, me semble d’un simplisme atroce. Le monde animal est rempli de contre-exemples et de mères « indignes » (porc canard) et de pères « exemplaires » (hippocampe, manchot).

        Je ne nie pas que des sociétés animales entières sont fondées sur l’idée de coopération et deviennent, ainsi, plus que la somme des parties (sociétés d’insectes par exemple). Mais l’idée que la violence est un ressort masculin et la féminité toute douceur et construction positive, je ne peux pas. Et je pense aussi que ça ferait hurler quelques féministes qui aimeraient bien ne pas être que tout sucre et douceur – à raison. Le monde est rempli de contre-exemples et c’est vouloir faire de projections symboliques et psychanalytiques une réalité enfermante pour les uns comme les autres.

        Être en lien avec l’autre et le monde peut donner un autre but, une autre vision, une affirmation de soi dans la relation à l’ensemble, et non dans l’extraction.

        Mais l’affirmation du soi, de l’individu, est déjà un principe fondateur d’une relation à l’autre, car il délimite ce qui est moi de ce qui n’est pas moi, et ce que je dois faire pour me pérenniser. Tu prends la question du combat comme négative, mais un combat, ce n’est pas forcément un combat contre un autre, cela peut être un combat contre un penchant qu’on veut évacuer… Jusqu’à, comme tu pourrais l’appeler de tes voeux, un combat contre sa propre violence, qu’on veut évacuer. N’est-ce pas triompher, là aussi, de soi?

        Dès qu’il y a définition, il y a séparation; dès qu’il y a séparation, il y a antagonisme. La question n’est pas de fustiger cet antagonisme sans lequel il n’y a pas identité, mais la façon dont il s’exprime.

      • Oph said,

        « Mais l’idée que la violence est un ressort masculin et la féminité toute douceur et construction positive, je ne peux pas. Et je pense aussi que ça ferait hurler quelques féministes  »

        AAAAAH !!!
        Voilà, ça, c’est fait.
        Je suis votre débat avec intérêt et je dois admettre qu’en ce qui concerne l’idée de déterminisme du sexe, je suis plutôt d’accord avec Lionel. La dichotomie des rôles traditionnels entre l’homme qui chasse et la femme qui éduque s’explique de bien des façons, dont beaucoup ne sont ni biologiques ni inévitables.

        À titre personnel, d’ailleurs, la transmission du savoir à la génération future, ce n’est pas mon truc. Je suis nulle dans ce domaine, et en fait, je crois bien que ça me gonfle. Alors que monter dans les arbres et gueuler avec les mâles, ça, c’est fun. 🙂

      • Don Lorenjy said,

        Je reconnais que ce n’est pas politiquement correct de parler de la part féminine ou masculine de chacun. Sauf que c’est une notion assez vraie, que chacun expérimente en n’étant ni tout à fait mâle ni tout à fait femelle.
        J’ai lu un truc qui décrivait le principe mâle comme l’agent de la protection envers l’extérieur, et le principe femelle comme la protection intérieure. Nous sommes tous un peu des deux, avec un système immunitaire dedans et une peau dehors.
        Je suis désolé si je choque et mets à mal des années de féminisme utile. Il demeure que l’essentiel de la violence que nous voyons dans nos sociétés est le fait des hommes, même si les ressorts de cette violence sont assez partagés.
        Après, vouloir le contester est possible, mais est-ce le point le plus important ?
        Pouvoir marcher dans n’importe quelle rue, rencontrer n’importe quelle personne, sans rien craindre d’autre que d’attiser ma curiosité, voilà ce qui me semble important. Il ne s’agit pas de réfréner ma propre violence, mais de ne pas la craindre chez quiconque.

      • Oph said,

        « Il demeure que l’essentiel de la violence que nous voyons dans nos sociétés est le fait des hommes, même si les ressorts de cette violence sont assez partagés. »

        Ce serait de la mauvaise foi que de le contester.
        Ce que conteste Lionel, et je suis d’accord avec lui, c’est l’amalgame entre cliché masculin et nature masculine.
        Qu’est-ce qui rend les hommes plus violents ? Est-ce vraiment leur chromosome Y, leur taux de testostérone plus élevé, ou bien le fait que le monde qui nous entoure encourage les garçons dans des activités sportives voire violentes, des jeux d’extérieur, leur montre une image de la virilité intimement liée à la force physique, tandis qu’on apprend aux filles à être douces et belles afin de plaire à ces messieurs ?

        Ne nous leurrons pas : même nouzot’ parents qui essayons de ne pas faire de différence entre filles et garçons, nous ne contrôlons pas l’environnement où grandissent nos gnomes.
        Mon fils, naturellement très sensible et câlin, est aux yeux du monde un vrai petit brutos qui cause avec un début d’accent des cités (hé oui, techniquement, on est en banlieue). Parce que c’est ce qu’on (pas nous, ses parents, mais son entourage au sens large) attend de lui.
        Ce n’est pas sa part de féminité qu’il étouffe, c’est bien sa part de douceur. La douceur n’est pas spécifiquement féminine. D’ailleurs, à la maison, la pire brutasse, c’est ma fille (en nœuds-nœuds et robe rose, parce que moi non plus, je n’échappe pas aux stéréotypes).


      • Oph (salut Oph !) a fort bien répondu et je risque donc de donner dans la redite, mais je veux quand même persister: non, le sexe biologique ne conditionne surtout pas l’esprit ! La société en est largement plus responsable, surtout dans une civilisation où, tout de même, l’individu n’a jamais été aussi libre de choisir son destin.

        Je reconnais que ce n’est pas politiquement correct de parler de la part féminine ou masculine de chacun. Sauf que c’est une notion assez vraie, que chacun expérimente en n’étant ni tout à fait mâle ni tout à fait femelle.

        Ca ne dérange que ceux qui ont un problème avec ça. Mais attention, tu ne parles pas de la même chose:

        Soit tu parles de la symbolique attachée aux personnes d’un sexe ou de l’autre, projections psychologiques et sociales, comme tu le faisais en parlant des mères, et je me range alors vigoureusement aux côtés de féministes comme Maïa Mazaurette, qui disait par exemple dans un commentaire de cet article :

        Je m’excuse par avance d’avoir manqué à la douceur féminine biologique dans cet article, bien sûr.

        Soit tu parles de cette part « opposée » et mystérieuse, qui est une représentation archétypale issue de l’inconscient collectif (animus et anima en terminologie jungienne), et ce n’est plus du tout la même chose.

        Il demeure que l’essentiel de la violence que nous voyons dans nos sociétés est le fait des hommes, même si les ressorts de cette violence sont assez partagés.
        Après, vouloir le contester est possible, mais est-ce le point le plus important ?

        Je n’ai jamais contesté la chose. Mais pour que les femmes s’affirment et soient enfin libres, peut-être faudrait-il déjà commencer par arrêter de leur attribuer sans réserve les valeurs positives d’entente et de médiation, ce qui revient à les placer sur un piédestal, ce qui, à mon sens, ne jette pas les fondements d’une relation saine d’échange d’égal à égal entre êtres humains. Je recite Maia pour la peine, même si ça commence à s’éloigner sévère du débat. 😉


  4. « Quand au projet de société sans loi ni police, c’est à mon avis le seul qui vaille à long terme. »
    Tout à fait d’accord avec toi !
    Malheureusement, tant que ce sera la loi du profit maximum, et la police pour protéger les possédants des hordes de crève-la-faim, on en sera loin…
    Mais bon, c’est l’éternel débat… (même si c’est toujours bon de savoir qu’on n’est pas seul à penser la même chose !)

    A.C. de Haenne

    • Don Lorenjy said,

      Le débat n’est éternel que parce qu’on n’en change pas les termes.
      Mais je ne sais pas vraiment comment les changer.
      Résistance et silence font alors bon ménage, et finissent par marcher avec le nombre.


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