Comme ça s'écrit…


Bordèlement

Posted in Admiration par Laurent Gidon sur 20 avril, 2023

Face à la bordélisation ambiante, prendre la parole pour aigrir un peu plus l’atmosphère ne me semble pas être le lot d’un honnête homme.
Autant rapporter la parole d’un autre.
Je l’ai trouvée dans un livre pas d’aujourd’hui, à vous de faire le lien avec une guerre en cours, des manifestations policées ou une pyramide électrique :

J’ai envie de prendre ma couronne de Français et de la frotter un peu pour la faire briller davantage.
— Vous croyez que ça va s’arranger ? me demande-t-elle.
Je me méfie des choses « qui s’arrangent ». Cela fait parfois deux vaincus au lieu d’un seul.

« Pourquoi la police n’a-t-elle pas tiré ? C’est honteux, les agents sont restés dans leur voiture alors qu’on pillait mon magasin sous leur nez. » Il aurait voulu voir des gosses de quinze, seize ans tués pour quelques caleçons. Sans doute étaient-ils de qualité supérieure.

Les ordures s’accumulent en tas qui grandissent à vue d’œil – ces montagnes d’ordures qui sont toujours le premier signe des civilisations en panne.

Ces mots sont de Romain Gary, dans Chien Blanc, publié chez Gallimard en 1970. Je vous le recommande.

Réfléchir froidement avant de parler permet parfois de parler bien au-delà de son cercle et de son époque.
Vous constaterez qu’il n’y a aucun lien avec certaines déclarations sur l’Égypte antique, l’électricité et l’Afrique en Europe.
On ne peut pas non plus traiter d’un coup toute la misère du monde, fût-on Émile Ajar.

Quant à moi, j’ai du bois à couper, je retourne me taire.

Romain Gary, sans doute dubitatif

PS. Concernant cette histoire d’électricité pharaonique, la question n’est pas de savoir si c’est scientifiquement vrai ou pas, ou à tant de pourcents, mais de bien se rendre compte de la portée des réactions : mépris d’un côté, réveil de fierté de l’autre (si tant est qu’il n’y ait que deux côtés, bien sûr). C’est cette fierté réveillée qui m’a fait toucher du doigt l’ampleur du sentiment d’humiliation permanente qui étreint tant de nos contemporains. La paix sur eux.

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