Comme ça s'écrit…


Djeeb le Fanficteur

Posted in Djeeb par Laurent Gidon sur 1 avril, 2018
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Certaines choses vous arrivent de surprenante façon. Il faut toutefois les accepter pour les gnoquer dans leur pleinitude, comme dirait Valentin Michael Smith.
Alors que l’ami Djeeb me semblait mort et enterré par défaut d’éditeur (même la version numérique n’est plus en vente, Multivers étant passé par un trou de ver), voilà que je reçois par mail un lourd fichier qui m’est adressé par un L. Jack Handulbar m’écrivant d’Angleterre ou de plus loin.
Dans son message le personnage se présente rapidement comme « reader and writer of all sorts », ce que je traduirais par lectécriveur pour faire plus court.
Il affirme avoir eu sous les yeux un exemplaire des deux volumes parus des aventures de Djeeb Scoriolis et en être suffisamment fan pour avoir voulu leur donner une suite, qu’il m’envoie avec une demande personnelle.
Comme il lit le français mais ne le parle pas suffisamment, il a rédigé sa fanfiction en langue de Shakespeare.
Jusque là c’est curieux, mais assez normal pour un Anglais.
C’est la demande assortie au fichier qui m’a un peu étonné. L. Jack me supplie de traduire son roman en français afin, dit-il, de pouvoir le présenter à un éditeur chez nous.
Pourquoi en France ? Il ne le précise pas.
Que Djeeb ait des fans, passe encore, qu’ils prennent sur eux de lui assurer une descendance est touchant, mais qu’ils réitèrent en anglais ce que j’ai fait subir à la langue de Molière me semble ahurissant. Dois-je céder et trahir, forcément trahir, plus que traduire ? Je n’ai pas encore accepté.
Toutefois, l’idée de me retrouver en position d’interpréter à ma sauce, non pas mes propres pulsions écriveuses, mais tout un roman inspiré par un personnage et – d’après ce que j’ai pu en lire – par un style que j’ai développé, m’a paru assez bizarre et foutraque pour être tentante.
Avant de répondre définitivement oui à M. Handulbar j’ai fait l’exercice sur les premiers paragraphes. Si quelqu’un souhaite me donner son avis, aussi bien sur la prose de L. Jack Handulbar que sur ma traduction, je suis preneur.
Voici donc le texte original :

Djeeb the Oldtimer
A twilit of blood drowned the city under its stretched shadows as a figure slipped out of an alley to the forecourt of a new building whose facade swore against the misery of the decor. Around, this downgraded area was nothing but ruins, rubble and waste from better times, exhausted by the years. In contrast, and perhaps also for lack of light, the building could look impressive. A few steps of light wood, passed in a silent jump by the discreet passer-by, led to a high double door, surmounted by a panel as wide as a wedding bed sheet. It could be read in letters to the engraving of the scorching sun: COLLECTION SCORIOLIS. A more talkative subtitle announced: Museum of Wonders and Prodigies collected along the Coastal Arc, or Beyond.
The figure turned an indecipherable face toward the street before opening the door to sneak in. The interior, vast and dark, was lit only by a candle placed on a pedestal table beside an armchair of dimensions so pretentious that one would have said a theater accessory, a throne of farce. Djeeb Scoriolis was slouching there, a morose expression lengthening his chiselled face. In his hair as always capped in raven wings glittered silver threads more and more numerous.
Although silent and almost invisible, the appearance of the intruder made him raise his head. Djeeb’s gaze glowed with a dim light as he detailed the outfit – jacket and tight pants, long wrap-around cape – and the impenetrable white mask only pierced with two pupil-sized holes.

Et la traduction rapide que j’en propose.

Djeeb l’Ancientempeur
Un crépuscule de sang noyait la ville sous ses ombres étirées lorsqu’une silhouette se glissa hors d’une ruelle jusqu’au parvis d’un bâtiment neuf dont la façade jurait contre la misère du décor. Alentour, ce quartier déclassé n’était que ruines, gravats et déchets issus de temps meilleurs, épuisés par les ans. Par contraste, et peut-être aussi par manque de lumière, la bâtisse pouvait paraître imposante. Quelques marches de bois clair, que le discret passant franchit d’un bond silencieux, menaient à une haute porte à double vantail surmontée d’un panneau aussi large qu’un drap de lit nuptial. On pouvait y lire en lettres à la gravure accusée par le soleil rasant : COLLECTION SCORIOLIS. Un sous-titre plus disert annonçait : Musée des Merveilles et Prodiges collectés de par l’Arc Côtier, voire Au-Delà.
La silhouette tourna un visage indéchiffrable vers la rue avant d’entrouvrir la porte pour entrer furtivement. L’intérieur, vaste et sombre, n’était éclairé que par une chandelle posée sur un guéridon aux côtés d’un fauteuil de dimensions si prétentieuses qu’on aurait dit un accessoire de théâtre, un trône de farce. Djeeb Scoriolis y était avachi, une expression morose allongeant son visage buriné. Dans sa chevelure comme toujours coiffée en ailes de corbeau brillaient des fils argentés de plus en plus nombreux.
Bien que silencieuse et quasi invisible, l’apparition de l’intrus lui fit lever la tête. Le regard de Djeeb s’alluma d’une lueur mauvaise alors qu’il en détaillait la tenue – veste et culotte serrées, longue cape enveloppante – et le masque blanc impénétrable seulement percé de deux trous de la taille des pupilles.

N’étant pas traducteur de profession, le travail sur ce lourd texte devrait me prendre une bonne année.
Rendez-vous donc l’an prochain à la même date pour savoir ce qu’il en est.

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En attendant, je lis toujours La petite Femelle, de Philippe Jaenada (700 pages d’enquête serrée).

L’humain, cette noble entreprise

Posted in Djeeb,Réflexitude par Laurent Gidon sur 21 mars, 2016
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Photo Lewis Hine 1920

Photo Lewis Hine 1920

Le projet de loi dite Travail ne traite pas du travail, mais de l’entreprise. Pas de l’entreprise en tant que telle, mais de la répartition des pouvoirs et du niveau où ils s’exercent. Elle fait accessoirement de l’entreprise le lieu indépassable du travail et en fige l’organisation : il n’y a pas d’alternative.
Comment contester un projet de loi qui proclame garantir plus de droits aux salariés tout en promettant une plus grande compétitivité aux entreprises ? Des droits, de la compétitivité, franchement, ce serait faire preuve de mauvaise foi. On sent pourtant que quelque chose ne va pas, mais quoi ?
Il faut, pour contester, soit pinailler sur la répartition des pouvoirs, soit questionner la nature même de l’entreprise, ses objectifs et en conséquence les conditions de son bon fonctionnement.
À quoi ça sert, une entreprise ? Qu’est-ce qu’on en attend ?
Des produits et services utiles ou au moins utilisables en tant que consommateurs ou usagers.
Des salaires, si on est employé, avec des perspectives de carrière, donc une certaine pérennité.
Des succès visibles qui font bien sur le CV si on est dirigeant.
Des emplois si on est politique ou au chômage.
Des taxes si on est une collectivité locale, donc un peu de profit.
Des dividendes ou autres revenus si on est actionnaires ou détenteur de parts.
Une certaine innocuité des produits si on est client et du fonctionnement si on est voisin du site ou simplement un être humain vivant sur cette planète.
A priori, ces différentes attentes ne sont pas incompatibles. Elles concourent même toute à ce que l’entreprise soit viable, utile, pérenne et sans danger.
Alors pourquoi le projet de loi dite travail (mais aussi tout le code du travail) se fatigue-t-il à définir ou réformer les différents pouvoirs à l’œuvre ? Ne serait-ce pas à cause de l’organisation qui prévaut dans la plupart des entreprises, laquelle organisation sépare artificiellement les intérêts et donne la quasi intégralité des pouvoirs à un seul type d’attente ? Selon des économistes atterrés, le projet de loi constitue une rupture majeure : « Cette rupture vise à un affaiblissement sans précédent des rapports de force du salariat vis-à-vis du capital.« 
À la tête de l’entreprise, des gens compétents, informés, hautement engagés (l’entrepreneur prend des risques, lui, Monsieur !) et donc incontestables dans leurs attentes de performance, de productivité, de compétitivité et de profit.
En dessous, des gens moins compétents, moins informés, moins engagés – forcément, sinon ils seraient à la tête de l’entreprise, n’est-ce pas ? – et donc très contestables dans leurs basses attentes de rémunération et de confort au travail.
Les uns ont le pouvoir, les autres ne peuvent que négocier les miettes.
C’est dit dès l’exposé des motifs : « Une place sans précédent est donnée à la négociation collective. Le rôle de la loi, qui reste essentiel, est recentré sur ce qui est strictement nécessaire à la protection de l’ordre public. » Rappelons que, dans les conflits liés au travail, la protection de l’ordre public consiste à faire donner la troupe.
Affirmant réformer le travail, le projet de loi dite travail ne fait que renforcer cette hiérarchie des pouvoirs et des intérêts dans l’entreprise, la plaquant sur une réalité beaucoup plus complexe où chacun aurait intérêt à œuvrer dans le même sens.
Il n’y aura pas plus de fluidité, plus d’harmonie, plus d’efficacité, mais au contraire plus de divergences, plus de conflits, plus de blocages le long de cette frontière arbitraire des pouvoirs et des intérêts.
Il sera facile alors de faire porter la responsabilité sur ceux dont les attentes sont les plus floues, les plus diverses.
Face aux dirigeants qui, oubliant leurs intérêts de consommateur ou de citoyens, savent ce qu’ils veulent et savent le demander (plus de liberté d’action, moins de charge), les revendications des employés paraîtront toujours corporatistes, colériques et coûteuses.
On fera donner la troupe.
Et l’humain, cette noble entreprise ? Comme le stipule  l’article 1er du projet de loi dite Travail : «Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.»
N’y a-t-il pas meilleure formulation pour séparer les droits de l’humain et les intérêts de l’entreprise ?

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Pendant qu’on nous enfume pour nous faire oublier que patrons et employés ont les mêmes intérêts fondamentaux, je me régale du gouleyant La Septième Fonction du Langage de Laurent Binet (merci Laurent, c’est du bon).

Et quitte a parler bouquins, voici quelqu’un qui parle très bien d’un des miens, non en disant du bien (encore que) mais en exprimant ce que sa lecture a produit sur elle : « Je pense que seul le temps pourra ou non confirmer le résultat de l’agitation intérieure qui m’anime depuis que j’ai bouclé ma lecture. […] sachez que je me retrouve aussi remuée et ensorcelée que les spectateurs à la fin de la prestation du grand Djeeb le chanceur. « 

Djeeb saga

Posted in Djeeb,Promo par Laurent Gidon sur 24 juin, 2015
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A l’occasion de la parution numérique des deux tomes sortis en papier, petit retour sur la saga Djeeb.

La première partie de Djeeb le Chanceur a été écrite en une vingtaine de jours pendant l’été 2008 dans la maison familiale de mes beaux-parents, en Normandie (Cotentin).
Ayant laissé Djeeb du bon côté du Mont Lorne, j’attaque la seconde partie plus sombre à l’automne, de retour en Haute-Savoie. Quinze jours sont nécessaires à l’achèvement du premier jet.
Après l’avoir adressé à deux éditeurs (un l’acceptera, mais trop tard) j’en poste un extrait sur un forum. Célia Chazel m’appelle de chez Mnémos pour m’en demander le manuscrit complet. Deux jours plus tard, elle l’accepte et m’envoie un contrat.
Nous nous voyons en janvier 2009 à Annecy pour boucler le contrat et évoquer les corrections : aucune sur le scénario, mais quelques reformulations ponctuelles.
En avril 2009 les corrections sont achevées. J’en ai apporté de mon cru, beaucoup plus que ce que Célia demandait.
Mnémos m’invite à défendre personnellement le projet auprès d’Harmonia Mundi qui diffusera le livre. Au cours d’un superbe séjour à Arles je présente Djeeb comme un bouquin léger et pétillant, ce qu’il n’est pas. Représentants et libraires ne sauront pas trop quoi en faire.
En mai 2009, Marc Simonetti étant pressenti pour réaliser l’illustration de couverture et habitant Annecy, nous nous rencontrons dans un bar de la vieille ville. Le temps d’un week-end il transforme ma lecture enflammée du chapitre II (« On aborde le port d’Ambeliane par la Passe des Crocs… ») en une représentation échevelée des lieux : un miracle !
Djeeb le Chanceur est imprimé en juin 2009, ce qui me vaut une invitation aux Imaginales. Je ne boude pas mon plaisir.
Les premières critiques et chroniques tombent sur le Net, puis le temps passe.

En 2014, Multivers me propose d’en sortir une version numérique. J’en profite pour corriger les dernières coquilles et redresser certaines expressions qui confinent au tic d’écriture.

 

L’écriture de Djeeb l’Encourseur s’est déroulée en deux temps très distincts. Une première période de trois semaines pendant l’été 2009, habitée par la fièvre de la parution du Chanceur et de premières critiques élogieuses. Puis… fin des vacances, Djeeb est abandonné sur ces mots : «Le danger était ailleurs. Et en même temps tout proche…»
Oui, le danger était proche : on me diagnostique une dépression sévère et l’écriture se dilue. Il me faudra attendre novembre et les premiers effets de la thérapie pour m’y remettre.
Le premier jet est achevé pour Noël. Hélène Ramdani, qui avait publié avec talent mon premier roman (Aria des Brumes) est chargée par Mnémos du suivi éditorial. Nous avons déjà travaillé ensemble avec bonheur, je lui fais confiance, les corrections vont vite.
C’est Aurélien Police qui est pressenti pour l’illustration. Comme on parle déjà de réimpression pour Djeeb le Chanceur dont les ventes semblent aller bon train, Aurélien fait plusieurs propositions centrées sur le personnage de Djeeb, pour les deux couvertures. Les esquisses sont superbes, Djeeb existe et il est beau !
En janvier, les retours des libraires font déchanter l’éditeur. Plus question de réimpression.
Pour conserver la cohérence de la série, Aurélien réalise une nouvelle illustration mettant la cité de Port Rubia en valeur.
Le livre est imprimé en mai 2010 et proposé en avant-première lors des Imaginales.
Bonnes critiques de nouveau, et puis le temps passe.
En juin 2015, Multivers en sort une version numérique entièrement révisée, permettant à de nouveaux lecteurs de le découvrir pour 3,49 € seulement.

D’autre retours sur l’écriture ou les particularités de la série Djeeb seront mis en ligne ici, mon site officiel d’auteur où je ne parle que livres.

 

Djeeb : c’est reparti, et c’est encore mieux !

Posted in Djeeb,Promo par Laurent Gidon sur 8 Mai, 2015
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Avec plus de 1000 ventes, Djeeb le Chanceur est mon plus gros succès. Insuffisant pour l’éditeur original (et surtout pour son diffuseur) qui a préféré arrêter la série, mais une fierté pour l’auteur parce que ce roman a été un pur plaisir d’écriture. Et puis franchement, il n’est pas mal.
Je viens de le relire complètement pour corriger ce qui devait l’être avant sa republication en numérique. Et qu’ai-je relu ? Un roman d’aventures échevelé qui prend son temps pour faire exister les lieux et n’esquive pas la complexité morale du statut de héros. Par modestie mal placée je l’avais décrit comme un roman léger, presque easy reading (que j’ai horreur de ce mot !), une sorte de bulle pétillante. Ce n’est pas cela. Du tout.
Je m’aperçois que j’y ai fait passer en contrebande tout mon questionnement éthique d’auteur : qu’est-ce qu’on s’autorise lorsqu’on est seul maître à bord, Dieu-tout-puissant face à son clavier, qu’est-ce qu’on s’interdit comme facilité ou efficacité trash, qu’est-ce qu’on cherche à transmettre au-delà de l’aspect esthétique…
Cela n’a pas l’air de grand-chose, mais lorsque vous faites métier d’écrire c’est un peu comme décider si vous faites du bio ou si vous traitez avec Monsanto lorsque vous êtes agriculteur.
J’ai choisi bio.

Djeeb le Chanceur, 3€49, tous formats et sans DRM (ni coquilles)

Aujourd’hui, Djeeb le Chanceur reparaît grâce aux éditions Multivers.
Disponible ici (clic).
En numérique.
Sans DRM (l’acquéreur est donc vraiment libre d’en faire ce qu’il veut, même de le lire).
Dans tous les formats de liseuse ou d’écran.
Au prix très abordable de 3€49.
Et enfin débarrassé des coquilles qui encombraient la version papier.
Aussi enivrante qu’ait été l’écriture de ce premier Djeeb, le fait qu’on l’ait imprimé sans tenir compte de mes corrections sur épreuves m’a gâché le plaisir du contact avec le public. Impossible pour moi, lors de dédicaces, de dire «Allez-y, c’est de la bonne, ce que j’ai fait de mieux !»
Je comprends que l’éditeur n’ait pas envoyé ce premier tirage au pilon pour une petite vingtaine de corrections oubliée. Mais aujourd’hui, avec cette nouvelle parution, je peux enfin vous dire «Allez-y, c’est de la bonne, ce que j’ai fait de mieux, parole !»

Enfin, jusqu’à la parution de l’Encourseur, bien sûr…

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Pendant que Djeeb renaît, je lis Bad Girl de Nancy Huston. J’aime bien. J’y vois une démarche parallèle à mon Abri des Regards, ce qui me touche particulièrement.

Ouverture

Posted in Djeeb,L'Abri des regards,Réflexitude par Laurent Gidon sur 28 octobre, 2013
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Une version antérieure de ce billet tournait un petit peu trop autour de mon nombril, aussi je me suis permis de la dégager pour laisser place à quelque chose qui correspondrait mieux au titre.

Une intéressante discussion sur le mur Facebook d’une amie m’a conduit à m’interroger sur les arguments scientifiques contre l’homéopathie. Ceux-ci sont remarquablement réunis dans cet article.
Je me fiche un peu de l’homéopathie, je ne l’utilise pas pour me soigner, je ne suis pas malade. Mais j’ai eu envie de comprendre pourquoi ses détracteurs paraissaient aussi virulents, et pourquoi aussi les médecins les plus étonnants que j’ai pu rencontrer sont homéopathes.

Par manque de temps, je ne peux pas m’étendre sur le sujet en une seule fois, donc j’y reviendrai en mises à jour successives.

Pour commencer, petit rappel sur l’homéopathie telle qu’elle est définie. C’est une approche non conventionnelle de la médecine reposant sur trois principes : la similitude (traiter le mal par le mal), l’individualisation des cas (état global unique de l’individu et pas seulement ses symptômes) et l’infinitésimal (dilution des substances jusqu’à plus rien). Elle est inventée par un médecin allemand à la toute fin du XVIIIème siècle, ce qui est à la fois récent par rapport à des médecines traditionnelles telles que l’acupuncture (première traces il y a 5000 ans), et ridiculement vieux au regard des progrès actuels de la médecine occidentale.

Les critiques contre l’homéopathie suivent deux voies principale : la contestation de son efficacité thérapeutique et la contestation de ses principes.
À ce jour, aucune étude scientifique, même celles conduites en collaboration avec des homéopathes convaincus, n’a permis de prouver l’efficacité de l’homéopathie. Cela devrait signifier la fin du débat, mais quelque chose me chiffonne : le fait que ces études reposent sur des bases statistiques de l’essai en double aveugle et surtout la reproduction d’un même traitement pour des symptômes identiques. L’essai en double aveugle est en effet un outil dont le but est d’éliminer tout élément subjectif, difficilement utilisable selon moi pour valider une approche totalement liée à la nature individuelle de chaque « sujet ». J’ai l’impression que cette méthodologie contredit le principe même de l’homéopathie.

Je considérerai ici le corps comme un système dédié à l’acquisition et au traitement d’informations. Pas de métaphysique entre nous : que ce soit par les sens ou par le fonctionnement de la plupart des organes jusqu’à l’organisation même des cellules, le corps ne fait qu’échanger des molécules ou des signaux avec son environnement. Un peu comme un ordinateur, mais je ne veux pas m’arrêter à cette analogie de fonctionnement. Ce qui m’intéresse là, c’est l’individuation de l’ordinateur.
Avez-vous remarqué combien chaque ordinateur devient très vite unique en fonction des habitudes (bonnes ou mauvaises) de son utilisateur ? Malgré un mécanisme, des systèmes d’exploitation et des logiciels identiques, il est très difficile de s’y retrouver lorsqu’on utilise l’ordinateur d’un autre : ce n’est pas rangé pareil, ça ne réagit pas pareil, la communication passe mal.
À l’échelle du corps, j’ai l’impression que l’individualisation est incroyablement plus importante, qu’elle commence au premier jour et continue toute la vie. Même un bébé à la naissance est déjà façonné par une vie intra-utérine qui lui est propre, absolument non reproductible, et réagit à des stimuli que personne d’autre que lui ne perçoit.
Comment espérer alors qu’un groupe d’individus, réunis autour de symptômes communs mais tous uniques dans le mode de communication que leur corps aura développé avec l’environnement, pourra réagir de la même façon à un signal ?
La seule solution me semble être de faire hurler le signal, pour que tous se bouchent les oreilles. Et c’est ce que me semble faire la médecine allopathique : concentrer les modes d’action pour faire taire les organes. C’est apparemment efficace, puisque visible et reproductible. À part les sourds, tous les cobayes réagissent pareil.
Je me doute bien que si des médecins homéopathes ont participé à ces études, c’est qu’ils escomptaient des résultats positifs et donc que la méthodologie leur a paru valable. Ils se sont trompé. Mais je n’ai toujours pas l’impression qu’on a testé la validité de l’approche homéopathique. On ne sait pas si, en traitant le mode de communication individuel de chaque corps par le stimulus qui résonne en lui et peut-être en aucun autre, il est possible de le faire réagir positivement à ce qu’on nomme maladie.
Quitte a utiliser des approches statistiques, il pourrait être intéressant de comparer les dépenses de santé et la fréquence des consultations chez de larges groupes d’individus consultant soit en homéopathie, soit en allopathie. Cela n’éliminerait pas l’effet placebo, le seul consenti à l’homéopathie. Mais, s’il apparaissait que les individus croyant en l’homéopathie dépensent moins et consultent moins, cela montrerait au moins l’intérêt de l’étiquette «homéopathie» en termes de santé publique.
L’a-t-on fait ? Je ne sais pas, mais je voudrais bien le savoir.
La suite, une autre fois.

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J’ai relu L’Étranger après avoir vu un documentaire sur les amoureux de Camus, et j’ai compris pourquoi j’étais trop jeune la première fois que ce livre m’est passé entre les mains. Bien sûr, j’écoute beaucoup de Lou Reed, notamment Magic and Loss. Ma chanson préférée du Lou reste Last Great American Whale sur son album New York.
Salut Lou, et merci pour la baleine. (Ha, Ha, pas pu résister)

Je n'ai pas trouvé l'auteur de cette photo. En cas de problème de droits, dites-moi.

Je n’ai pas trouvé l’auteur de cette photo. En cas de problème de droits, dites-moi.

Contresens

Posted in Djeeb,L'Abri des regards,Promo par Laurent Gidon sur 8 Mai, 2012

En parlant des Djeeb comme de livres légers écrits pour le plaisir, j’ai commis un funeste contresens.
Ceux qui cherchaient une lecture facile pas prise de tête en sont sortis accros à l’aspirine.
Et ceux qui voulaient partager une expérience plus profonde ne s’y sont même pas penchés.
Djeeb n’a pas trouvé ses lecteurs, fin de l’histoire.

Sans amertume, j’ai reconnu intérieurement mon erreur. Puis je me suis tourné vers d’autres écrits dont la nature n’échapperait à personne – traiter de suicide et de dépression ne prête pas à l’ambiguïté – afin de creuser ce qui doit l’être sans me noyer dans l’incompréhension et l’indifférence. Les retours que j’en ai reçus m’ont confirmé que je n’avais rien à faire dans le créneau de l’imaginaire de détente. Ce que je dois écrire se situe ailleurs.

Pourtant, cette faute du contresens me poursuit. En écrivant Atempo en une nuit fiévreuse (je l’ai retravaillé ensuite) j’étais sûr de tenir le truc qui bouleverserait les lecteurs et leur dévoilerait tout ce qu’une approche décomplexée de la SF pouvait offrir de métaphysique. Le destinataire de ce texte m’a dit ne l’avoir même pas lu jusqu’au bout. Il montait une grosse anthologie et a lâché cette grotesque histoire de temps-particule dès les premières lignes.

Contresens encore. J’avais fait du sous San Antonio et noyé mon propos dans des formules empruntées aux poubelles de Michel Audiard. Le texte est paru dans la confidentialité, et les rares lecteurs qui l’ont chroniqué m’ont confirmé le contresens : ça voulait être drôle, et ça ne l’était pas.
Sauf qu’Atempo ne veut pas être drôle. Il avance fardé, c’est tout, un peu comme Djeeb. Quand Djeeb traite de l’absence du mal comme du bien, du déni de responsabilité dans un cadre d’ambitions contradictoires, Atempo décrit une réalité à sommes nulles dont les gagnants, les archétypes créateurs de richesses, ne font que creuser les pertes des perdants. Une société qui ne peut qu’évoluer en prenant un virage à 90° alors que les combats ordinaires tirent indéfiniment sur le même axe. Le titre de ce billet sonne d’ailleurs comme une définition de cette histoire et de son sous-texte : contresens de lecture, mais aussi contresens des actions et nécessité de trouver un sens qui n’aille pas « contre » pour avancer.

Cette nouvelle est la dernière à paraître sous le pseudo de Don Lorenjy. Pour l’occasion j’ai tenté de dire combien elle me semblait porteuse d’idées sous ses airs de farce. Sans résultat.
Sera-t-elle mon dernier contresens ? Peut-être pas. En lisant une chronique qui critiquait sévèrement ses effets d’oralité, j’ai compris qu’il y avait moyen de la sauver.
Atempo n’a pas été écrit pour être lu, mais pour être dit et entendu.
Alors je m’y suis collé.
Près de 40 minutes de lecture, micro en main. Je ne suis pas acteur, ma diction ne tient pas la distance. Il m’a fallu plusieurs heures de montage pour éliminer tous les savonnages, silences et bruits de bouche, puis faire tenir le tout dans 30 minutes audio.
Je ne sais pas ce que donne le résultat, Atempo me sort maintenant par les oreilles. Mais j’aurais fait tout ce qui est en mon pouvoir pour l’adresser au lecteur, et maintenant à l’auditeur.

Vous pouvez l’écouter en cliquant ici.
Et s’il vous a plu, vous pouvez voter pour lui au prix Rosny, en toute légitimité bien que vous ne l’ayez pas lu.

Le magazine où est paru Atempo

Me, myself and I

Posted in Djeeb,Réflexitude par Laurent Gidon sur 13 juillet, 2011
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Ce matin, une amie lointaine mais chère m’a appelé pour parler un peu de la vie, l’univers et tout le reste. Elle vient de finir Djeeb le Chanceur et me dit, avec quelques précautions, avoir su lire mon profond mal-être au travers de cette histoire fantasque.

Je ne me rappelle plus mon état d’esprit lors de la rédaction de ce roman. Tout au plus me souviens-je de quelques semaines enfiévrées et de tendinites dues à l’abus de clavier. Mal-être ? Si on me le dis, je prends et accepte.

Il n’y a rien de plus précieux pour l’être qu’une information donnée sur sa personne.
Dans une démarche de recherche de son Soi véritable – seule démarche qui vaille, si vous m’en croyez – l’aide extérieure ne fait pas tout, mais il faut remercier ceux qui vous l’apportent. Spontanément, et quelle que soit la forme de cette aide.
Réussir à être soi, ou plutôt devenir ce que l’on est vraiment, n’est pas une aventure égoïste. C’est même à mon sens la seule forme d’altruisme bien ordonné. Commencer par réaliser l’accord intérieur. Trouver ce lieu intime où le potentiel et l’actuel se rejoignent pour ne faire qu’un, honnête et sincère. Sinon, on se borne à porter des masques, habiter des costumes mal taillés, jouer des rôles mal écrits. Et toute relation s’en trouve biaisée.
Il m’a fallu l’expérimenter longuement pour le comprendre avec suffisamment de profondeur. Le sentir, quoi.

Ai-je progressé dans la paix avec moi-même depuis ce premier Djeeb ? Peut-être, ou pas. L’abandon de Djeeb 3 en cours de rédaction peut en tout cas marquer un pas sur cette voie nécessaire. Il n’y avait plus de plaisir, plus de besoin, peut-être plus de mal-être à exprimer par le truchement d’un personnage dont les couleurs brillantes n’étaient pas miennes.
Je est maintenant ailleurs. Je est débarrassé des oripeaux de l’auteur en mal de lecteurs. Je… suis !
Et vous ?

Être suffisamment soi pour accepter l'autre dans son mouvement

Des lecteurs observateurs auront noté que Djeeb pratiquait une certaine forme d’aïkido. Hasard ?

La vie est-elle un roman ?

Posted in Djeeb,Réflexitude par Laurent Gidon sur 25 juin, 2011
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Nous vivons tous une belle histoire. Ou moins belle.
On se la raconte sans arrêt, chaque jour. C’est ce qu’on appelle notre expérience personnelle, notre mémoire, notre personnalité, notre nous-même qu’on a…
Les faits les plus improbables y prennent place dans un faisceau d’explications a posteriori qui donne un sens à l’histoire et surtout rend les faits inévitables. La preuve : ils se sont produits !
Quelles explications avons-nous pour les faits qui ne se sont pas produits ? Aucune. Pas besoin, puisque rien ne s’est passé vous dis-je. Ou alors ce sont des faits qu’on aura évités, et là les explications pleuvent puisque l’évitement deviendra le fait lui-même, selon notre propension personnelle à trouver des raisons à la chance.
Nous sommes programmés pour cela, pour tout voir sous l’angle d’une prévision à rebours, sinon la vie ferait trop peur.

Selon cette façon de tout mettre en relation, notre vie est un roman.
Pas forcément un roman dont nous serions le héros. Nombreux sont ceux qui abandonnent à d’autres le premier plan, passant leur temps à rejeter la responsabilité de ce qui leur arrive sur des personnages qu’ils dotent de pouvoirs supérieurs. Cela n’élimine pas l’insatisfaction, mais la rend plus supportable.
Ne croyez pas que je dédouane par cette réflexion ceux qui abusent de leur pouvoir, et abaisse ceux qui en manquent.
Un winner de notre société mercantile peut tout à fait se compter parmi les héros secondaires de sa propre histoire et confier à d’autres – souvent inattendus – la charge de ses tracas. Prenez un président de la république : dans le genre pleins pouvoirs, ce n’est pas mal, non ? Pourtant, je le soupçonne de croire, dans l’intimité de sa conscience, que tout ce qui l’accable provient des autres, ces inférieurs rampants auxquels il confère par là même un pouvoir supérieur sur lui-même. S’il se démène tant, ce n’est pas en action, mais en réaction.

Mais la vie n’est pas un roman. Elle est bien mieux que cela. Tout peut s’y produire. Toute probabilité ou prévision peut y être prise en défaut. Tout peut s’y créer. Et chacun y est créateur.
Perdez le temps que vous voulez à contester cette affirmation, et puis, le moment venu vous conviendrez, comme Monsieur Fernand convenait (qu’il n’aurait jamais dû quitter Montauban).

Cette réflexion me vient alors que remonte dans ma mémoire une critique sur Djeeb (Chanceur ou Encourseur, je ne sais plus). Le chroniqueur reprochait à l’auteur de ne pas assez clarifier les motivations du héros. On ne savait pas ce qu’il voulait. Aucun passé ne venait expliquer ses actions. C’était bien écrit, mais ça ne faisait pas un roman. Pas satisfaisant.

Je pense aujourd’hui que ce chroniqueur avait raison. Bien que racontant une histoire, Djeeb est plus proche de la vie que d’un roman. Pas notre vie quotidienne, bien sûr, faut pas exagérer. Mais LA vie, en ce qu’elle a de créatrice.
Comme la vie, Djeeb crée son parcours et le voit s’infléchir en fonction d’événements qui n’ont pas d’autre justification que leur occurrence. Ce qui s’y produit repose sur une logique imparable : dans le cadre défini, c’est possible. Et cette possibilité suffit à tout expliquer. Aurais-je dû écrire un roman, un vrai, où tout s’explique ? Répondre oui ou non ne changera rien à ce qui est. J’ai choisi la vie, pas le roman. Aussi imaginaire qu’ils soient, les Djeeb reflètent plus de réalité que de romanesque dans leur construction même.

Maintenant, essayez de voir votre vie comme Djeeb. Tout y est possible, tant que c’est dans le cadre. Et même, des événements impossibles peuvent se produire, puisque votre perception du cadre n’est pas complète.
Qu’allez-vous faire ?
Vous recroqueviller de peur en attendant la mort ?
Tenter de tout maîtriser, prévoir, calculer (en pure perte, le cadre est trop vaste) ?
Jouir de maintenant et de la seconde qui vient, en la rendant plus belle ?

En vérité je vous le dis : soyez Djeeb chez vous, ici et tout le temps.

Muettement jeudi !

Posted in Ateliers,Djeeb par Laurent Gidon sur 16 décembre, 2010

Encore sous le choc d’une lecture indescriptible, je me fie au hasard pour vous en présenter un extrait, forcément représentatif puisque toute la nouvelle est de la même eau.

Une interrogation subsistait toutefois : comment intervenir sans risquer une issue fatale pour Artémisia ?
Préférant reléguer cette difficulté dans un recoin de son imagination, le capitaine des mousquetaires opiniâtrait son effort tout en intimant régulièrement silence à ses hommes.
La progression se compliqua brutalement à l’aplomb d’une falaise calcaire dont les aspérités déchiraient les bottes tout en excoriant douloureusement les paumes des mains. Corisande proposa le contournement de cette impressionnante aiguille rocheuse. Mais Florimond refusa, car cette ascension leur permettrait de mieux discerner la route suivie par les brigands.
– Du sommet de ce belvédère naturel, nous pourrons appréhender la totalité de l’espace environnant. Même si les larrons sont discrets, un simple mouvement anormal dans les buissons nous révélera leur passage.
Fondée sur l’effort et la pugnacité, cette hypothèse fut couronnée de succès.
Après de longues minutes d’un effort presque inhumain, les quatre hommes arrivèrent à la cime de cet éperon rocheux singeant une déroutante dentelle de pierre et matérialisant un encorbellement au-dessus de l’abîme.
Discrètement, Florimond et Onésiphore se penchèrent afin d’examiner le panorama sans être, pour autant, visibles depuis le sol.
Quelques minutes d’observation suffirent.
Sinuant une centaine de mètres en contrebas, des silhouettes furtives ondoyaient au milieu d’une végétation hostile et particulièrement touffue à cet endroit.

Oksana & Gil Prou, L’oeil de la Nuit
in Dimension de Capes et d’Esprits, anthologie dirigée par Eric Boisseau – éditions Rivière Blanche

Cette excellente publication recèle d’autres pépites à consommer immodérément et sans retardement, dont un Djeeb l’Estoqueur qui m’avait valu des sueurs et quelque satisfaction.

Le jeudi se poursuit, comme d’hab, chez Chiffonnette.

Djeeb l’enquiquineur

Posted in Djeeb par Laurent Gidon sur 5 novembre, 2010

Une chronique de Djeeb l’Encourseur est parue aujourd’hui sur ActuSF. Marc Alotton – que je remercie pour ses compliments – semble avoir pris un certain plaisir dans sa lecture, au point d’affirmer en introduction :

L’intérêt des thèmes abordés, la mise en contexte, le pittoresque des personnages, servis par une indéniable qualité d’écriture, avaient séduit bon nombre de lecteurs, rendus méfiants par le piètre niveau de nombreux premiers romans parus ces derniers temps.

Je suis ravi , bien sûr. Bien que n’ayant pas eu connaissance d’une quelconque baisse de niveau des premiers romans. Une bonne critique de plus, c’est toujours sympa. D’autant que la plupart des retours de lecteurs qui me sont parvenus sont eux aussi très positifs.
Heureusement pour mes chevilles, les louanges ne sont pas unanimes.
Sur le forum de Cocyclics, collectif de lecteurs et d’auteurs fortement impliqués dans l’amélioration des textes avant proposition aux éditeurs, une proportion non négligeable de participants n’a pas aimé Djeeb. Au point parfois de ne pas arriver à le finir. Et ça, ça me questionne et m’enquiquine.
Je me demande d’ailleurs par quel biais on peut réunir 100% de bonnes critiques et ne faire qu’un petit 63% sur un groupe de lecteurs aguerris.
Je n’ai pas de réponse sous la main. Pas d’autre que « on ne peut pas plaire à tout le monde », qui n’est pas une réponse.
Est-ce une question de liberté d’expression que l’on aurait entre soi sur un forum, mais pas en montant à la tribune publique d’une chronique ? Serait-ce une différence dans l’approche, le critique cherchant à faire son travail alors que le lecteur ne veut que se faire plaisir ? Est-ce que statut de chroniqueur est suffisamment sélectif pour ne tenter que des individus prédisposés à apprécier le Djeeb dans le texte ? Cela a-t-il à voir avec les phases de la lune ou la longueur de mes cheveux ? La réponse m’échappe, est c’est tant mieux.

Je m’interroge, non pour flatter mon ego (ce qui est toutefois bien agréable) mais pour me faire une idée plus juste de la portée de mon petit travail solitaire. Jusqu’ici, on doit compter quelque chose comme 1200 lecteurs de Djeeb le Chanceur, et avec de la chance, disons 500 de Djeeb l’Encourseur (offrez l’Encourseur à Noël, pour faire remonter mes ventes et justifier le travail de Mnémos, merci). Ce qui, en appliquant la formule dite de Cocyclics (63/37), me donne un total de 1071 lecteurs heureux (pas mal, mais bon, hein, bof) contre 629 pas contents.

629 déçus ! Là est mon problème : autant de malheureux, ça me déchire. Comme aurait dit Einstein après les deux premiers grands Boum, « Je n’ai pas voulu ça ! » Si j’écris pour faire plaisir à des lecteurs, mais qu’une part non négligeable trouve que ça ne vaut pas l’effort de lecture et en garde l’impression d’avoir gâché de l’argent et du temps, faut-il continuer ?
Entendons-nous bien : écrire, je continue, pas de problème, j’aime ça. Mais être publié, faire le singe pour être remarqué, recourir à tous les moyens modernes pour tenir le plus large public (donc vous) informé de la progression du travail, attirer le lecteur en salon ou librairie comme on harponne le chaland… peut-être est-ce un peu disproportionné avec le résultat obtenu.
Un lecteur qui s’emmerde, c’est une responsabilité.

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